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Cet ouvrage est, par bien des côtés, un véritable « mythe ». Annoncé dans le premier tome des Poteries sigillées de la Gaule centrale publié en 1974, il aura fallu quelque vingt-cinq années pour que cette livraison soit effective et devienne ainsi accessible au public. Un quart de siècle, donc, durant lequel de nombreuses personnes, régulièrement, venaient s'enquérir de l'évolution de ce travail, espérant d'année en année sa parution.
Aujourd'hui, plus qu'un simple ouvrage, c'est un nouveau manuel sur la sigillée moulée qui voit le jour. Ce manuel répond à une véritable attente de la part des professionnels comme des amateurs éclairés. Il a pour but principal de combler d'importantes lacunes dans le domaine de l'attribution stylistique des décors moulés du Centre de la Gaule. Ce sont, en effet, des dizaines de nouvelles attributions qui sont proposées par l'auteur. La caractérisation de ces styles décoratifs repose sur un corpus épigraphique riche et varié, aux marques inédites ou non, auxquels viennent se joindre les séries des « anonymes » créées pour beaucoup d'entre elles en vue d'être publiées dans ce tome.
Les quelques personnes, à qui l'auteur a bien voulu confier depuis quelques années son manuscrit afin d'en éprouver la structure et la cohérence, ont pu se rendre compte combien son usage est précieux. II est possible désormais, en utilisant parallèlement les informations des tomes 1 et 2 de cette série, d'attribuer avec plus de certitude des décors qui, jusqu'à présent, faute de données comparatives, n'étaient guère mises à contribution. Il ne faudrait d'ailleurs pas croire que cet enrichissement ne concerne que des pièces marginales : les styles anonymes du milieu du IIe s., tels P-15, P-16 ou P-23 largement représentés sur les sites de consommation des frontières de l'Empire ou bien encore les styles de Plautinus, Mercator II ou Caletus pour n'en prendre que quelques uns, constituent désormais des ensembles faciles à identifier grâce au travail de G. Rogers.
Styles décoratifs anciennement connus, mais nécessitant des compléments d'information, et ensembles inédits se mêlent ainsi habilement tout au long des chapitres de cet ouvrage qui ne néglige aucun aspect majeur de la production de sigillée moulée dans le centre de la Gaule depuis la période flavienne jusqu'au IIIe s.
Avec beaucoup de justesse, l'auteur n'a pas axé son travail uniquement sur la phase « classique » largement explorée par les grands manuels reposant principalement sur les sites de consommation hors de Gaule, mais a accordé également une attention toute particulière d'une part aux premières productions grésées du groupe — et à celles qui ne le sont pas encore — de la fin du Ier s. et des premières décennies du IIe s. et d'autre part aux productions de la fin du IIe s. et du IIIe s. Il s'agit là assurément de deux des volets les plus attendus de son étude qui ne manqueront pas de susciter bien des réactions.
Dans le premier cas, en effet, ces pièces sont les témoins de la révolution technique pratiquée par les potiers de Lezoux au tournant du siècle. On connaissait précédemment surtout les styles décoratifs des Martres-de-Veyre, largement diffusés sur les sites militaires, mais peu ceux de Lezoux et ce aussi bien en ce qui concerne les productions flaviennes que celles des premières décennies du IIe s. (à l'exception de Libertus). L'ouvrage comble cette lacune et met en évidence l'originalité de ces sigillées essentiellement diffusées en Gaule, qui préfigurent déjà celles de la période classique.
Les décors du IIIe s. demeuraient également, jusqu'à présent, largement méconnus. Là encore, l'étude de G. Rogers s'emploie comme nulle autre ne l'avait proposé avant elle à démontrer qu'il existe à Lezoux une activité après la perte des marchés à longue distance. Puisant largement dans l'incroyable richesse du produit des fouilles récentes sur les sites d'ateliers de potiers lézoviens et dans celle des collections anciennes, l'auteur a su faire de ce volet une des parties maîtresses de son ouvrage. Jusqu'à présent, l'attribution des décors aux productions tardives du centre de la Gaule avait un aspect déroutant puisqu'elle passait nécessairement par l'étude des motifs non figurés sans que l'on puisse vérifier si le décor pris en compte avait une quelconque analogie avec les schémas de composition connus pour cet ensemble. Les dizaines de planches consacrées à ces productions rendent désormais plus concrète l'attribution de ces pièces.
Certains diront que ce travail dans sa diversité, tout en enrichissant considérablement la connaissance des styles décoratifs du centre de la Gaule, en complexifie par la même occasion l'analyse : la multiplication des références, notamment en ce qui concerne les ensembles décoratifs sans signature, demande que l'on parcourt inlassablement les planches et les corpus, que l'on en mémorise la plupart des décors et des données si l'on veut que cet outil soit efficace. Certains autres diront qu'un tel ouvrage, essentiellement documentaire, aurait pu faire l'objet d'une publication au moins partielle sur support informatique afin de présenter des requêtes susceptibles d'orienter et d'assister l'attribution des décors.
Tout cela est vrai et ce n'est pas l'auteur, ancien ingénieur et informaticien auprès d'une entreprise pionnière dans ce domaine, qui pourrait dire le contraire. Gardons bien à l'esprit toutefois que ce travail est avant tout un ouvrage d'érudition archéologique dans la plus pure tradition, qui connut bien des péripéties avant de paraître et qui n'a pu bénéficier d'aucun soutien financier. Si de nombreux auteurs regrettent souvent de ne pas avoir publié un travail important en temps utile, déplorant qu'il soit désormais trop tard pour le faire, personne ne souhaitait que cet ouvrage connut le même sort. Ce fut donc sur des fonds privés, recevant le concours bénévole de nombreuses personnes, souvent des proches, que ce travail d'édition a pu être mené à bien. Si la mise en forme des données ne correspond plus à ce que techniquement nous pouvons réaliser aujourd'hui, le contenu, lui, fait de ce tome 2 des Poteries sigillées de la Gaule centrale une référence indémodable au même titre que les travaux de Déchelette, Knorr, Oswald et quelques uns de nos contemporains. Nul ne doute que le travail de G. Rogers ne suscite un nouvel élan d'étude et de recherche sur la céramique sigillée, puisque désormais ce ne sont plus les seules personnes qu'il a côtoyées durant de nombreuses années et qu'il côtoie encore régulièrement à Lezoux qui pourront bénéficier de son expérience et de son savoir, mais tous ceux qui s'intéressent à ce domaine d'étude.
G. B. Rogers, Poteries sigillées de la Gaule centrale, 1974, Paris, éd. du C.N.R.S. (supplément à Gallia)
G. B. Rogers, Poteries sigillées de la Gaule centrale, tome 2, Les potiers, premier cahier du Centre archéologique de Lezoux, 1999.
Ce tome 2 est disponible auprès du :
Laboratoire de céramologie antique de Lezoux,
Centre archéologique, 63190 LEZOUX, France
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