d'après SFECAG, Actes du Congrès d'Orange, 1989 (màj mineure 2000)
Philippe BET (*)
avec la collaboration de Dominique COUNORD-MONTINERI et de Sonia ROUSSY
On a toujours eu tendance à vouloir traiter Lezoux dans son ensemble et dans son unité administrative actuelle, à considérer cru à soupçonner que les "blancs" de la carte archéologique reflétaient davantage la faiblesse des recherches ou même des prospecteurs que l'absence de sites.
Après avoir prospecté une grande partie des 3300 hectares de cette commune (1) et surveillé maints travaux de voirie, de tranchée et de construction, après avoir comparé le résultat de nos prospectons aux travaux de nos prédécesseurs, notamment ceux de Roger Pinel et de Jean-Luc Chalut (2), après avoir bien pris en compte les critiques dont nous faisions état précédemment, il nous a semblé manifeste que nous étions en présence d'agglomérats de sites indépendants les uns des autres. Nous les avons dénommés groupes d'ateliers à cause de leur spécificité (3), mais ils incluent à l'évidence habitat, nécropole et probablement temple. A part leur situation géographique ou topographique, ils diffèrent les uns des autres par leurs phases chronologiques, les types de céramique fabriqués et la nature de pâte employée, et aussi par les potiers qui y ont travaillé. En effet, sauf un faible pourcentage parfois dû à des homonymes, les potiers semblent attachés à un lieu de production précis. Le cas est particulièrement flagrant pour certains d'entre eux où, sur trente années de fouilles, ils ne se retrouvent que dans un seul groupe d'ateliers.
Nous allons d'abord faire un rapide survol de ces groupes et des structures qui y sont rattaches avant de les voir en détail.
II est très difficile de connaître, en l'absence de fouilles, l'occupation antique de la butte que recouvre actuellement le centre, du bourg et qu'enserrait une muraille au Moyen Âge. Nos sources d'information reposent donc uniquement sur les travaux urbains et sur les découvertes ponctuelles; mais l'occupation intensive du lieu, la faible profondeur des tranchées ne permettent pas d'avoir suffisamment de renseignements.
Un morceau d'entablement en marbre, découvert près de l'église Notre-Dame et actuellement conservé au musée, ne suffit pas à lui seul pour conclure à la présence d'un temple à cet emplacement. Les abords des églises Saint-Pierre et Saint-Georges ne révèlent, jusqu'à présent, que des constructions et un cimetière du Moyen Âge. Cependant, rue Jean-Dessalles, des travaux ont révélé un mur en petit appareil, dont l'origine antique est douteuse, mais surtout deux tombes d'enfants du IVe siècle, probablement à trois mètres de profondeur, sous la fondation d'un bâtiment médiéval. A l'emplacement de la Maison du Peuple, un sarcophage rectangulaire (?) a été découvert, mais aucun vestige n'est venu confirmer la thèse de Charles Fabre qui plaçait là un forum (4). Dans ces conditions, il est difficile de conclure à la présence d'un noyau urbain dès l'époque gallo-romaine. De même, l'hypothèse séduisante d'un amphithéâtre à l'emplacement de la place circulaire des Rameaux n'a pu être étayée par aucun élément; au contraire même, puisque les multiples tranchées qui ont sillonné cette place n'ont montré qu'un terrain vierge situé à très faible profondeur du sol actuel.
Les groupes d'ateliers de potiers
Autour du bourg actuel, les ateliers de potiers se répartissent en une dizaine de groupes d'inégale importance, distants parfois de plusieurs kilomètres (5).
Le groupe de Ligonnes, le plus septentrional et qui fut à l'origine des recherches sur Lezoux, rassemblait au pied d'une colline une centaine de potiers (6) au IIe siècle de notre ère. Une partie des ateliers a recouvert une exploitation agricole du Ier siècle (7), suggérant ainsi la place prépondérante que prenait la production céramique. A. Plicque (8) et avant lui M. de Blanval (9) y auraient découvert un temple dédié à Apollon.
Le groupe des ateliers de la route de Maringues situé de part et d'autre de la D.223, est sans doute celui qui a souffert le plus des appétits des collectionneurs d'hier et d'aujourd'hui, plus de cent potiers sont également attestés, son activité démarra dès le début du Ier siècle pour s'achever au IIe ou IIIe siècle. Des noms de potiers prestigieux, comme ceux d'Atepomarus et de Libertus, sont associés à ce groupe. Un temple dédié à Mercure serait présent dans la partie nord-ouest du site; c'est de là que proviendrait la grande statue en arkose du dieu, conservée actuellement au musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye.
Le groupe des ateliers du Theix et des Fromentaux n'a livré aucun nom de potier certain. Situé, contrairement à la plupart des autres ateliers, sur un terrain argileux, il semble qu'il soit spécialisé dans la fabrication des tuiles, briques, éléments de colonne.
Le groupe des ateliers de la rue Saint-Taurin est recouvert maintenant par le centre ville, notamment par les bâtiments de la maison de retraite "Mon Repos", l'ancien C.P.P.N., la gendarmerie, et le futur lotissement de l'Enclos. II se trouve immédiatement au nord de l'enceinte médiévale. II constitue de loin le groupe le plus important avec plus de trois cents potiers. Toutes les phases de l'occupation antique sont attestées, depuis l'époque augustéenne jusqu'à la fin du IVe siècle de notre ère. Tous les types différents de poterie ont été fabriqués (sigillées, imitations et dérivés de sigillée, parois fines, métallescente, micacée, plombifère, cruches blanches, terra nigra, etc.). Ce groupe apparaît un peu comme le noyau de la production céramique à Lezoux.
Plusieurs lieux de fabrication ont été remarqués ponctuellement autour de l'enceinte médiévale, au quartier Mercoeur, aux Bourgauds, devant l'école Taurin-Dufraisse, et enfin dans la propriété Rimbert Malheureusement, nous manquons d'informations pour mieux saisir l'aspect et l'importance de ces sites.
A Saint-Rome, près de la route de Culhat et le long d'un chemin que R. Pinel prétendait être la voie qui menait aux portes de l'Allier toute proche, plusieurs accessoires d'enfournement pourraient indiquer la présence d'un atelier, au milieu d'un habitat antique très dense.
Le groupe des ateliers des Saint-Jean, de part et d'autre de la déviation, a révélé plusieurs fours, constructions et dépotoirs du IIe siècle. Une soixantaine de potiers y sont associés.
Le groupe des ateliers de Saint-Martin devait principalement être orienté vers la fabrication de la poterie commune à partir du dernier quart du Ier siècle de notre ère.
Enfin, le groupe des ateliers d'Ocher, à trois kilomètres au sud du bourg, est uniquement connu par les travaux de Roger Pinel et quelques prospections que nous avons effectuées en 1976-1977. Produisant très certainement de la sigillée, ce groupe n'a révélé que quatre noms de potiers, dont un sur un accessoire d'enfournement.
Des soixante-dix à quatre-vingt fours trouvés sur la propriété de M. de Chazerat à Ligonnes et des cent soixante fours ("dont quarante-deux dans un état de conservation relatif") découverts par Plicque sur l'ensemble de la commune, il ne reste aucune trace, aucun rapport précis. Leur nombre est si important que leur véracité peut sembler douteuse. Les travaux menés depuis trois décennies ont permis de déceler une quarantaine de fours et d'en fouiller plus de la moitié. Les fours rectangulaires ou carrés et les fours circulaires ou ovales sont en nombre sensiblement égal. Longtemps (10), on a cru que les fours étaient circulaires jusque dans la première moitié du IIe siècle, pour devenir rectangulaires à partir du milieu du IIe s. et le rester jusqu'au IVe s. Les fouilles récentes de la ZAC de l'Enclos ont permis de réviser ces notions, pour constater que des fours rectangulaires ou carrés étaient construits dès le début du Ier s. (11).
Ces fours étaient bâtis, dans leur grande majorité, avec des fragments de tuiles à rebords liés avec de l'argile; les autres, à partir de la fin du IIe s., font appel à de grands blocs d'argile. La pierre, contrairement aux fours de la Graufesenque, n'entre quasiment pas dans la construction des fours.
Ils se composent de plusieurs parties. L'alandier, qui est un canal en avancée et au début duquel on mettait le combustible. La chambre inférieure, qui fait suite à l'alandier et où se propagent les flammes, peut avoir le même plan que le laboratoire de cuisson; sinon, elfe présente la forme d'un canal étroit d'où partent des remontées de flammes latérales et obliques qui répartissent la chaleur sous la sole. Ces deux parties sont enterrées, ainsi que 1a salle ou la fosse de chauffe qui s'ouvre devant l'alandier et qui permettait ('approvisionnement en combustible. Au-dessus de la chambre inférieure, se trouvait la sole perforée sur laquelle étaient posées les poteries à cuire; pour la céramique sigillée, des tubulures canalisaient les flammes à travers le laboratoire et permettaient ainsi une cuisson oxydante. Une toiture devait protéger cette dernière partie. On a longtemps épilogué sur l'existence d'une voûte que l'on détruisait après chaque cuisson et qui fut popularisée par Ludowici; un tel schéma est actuellement délaissé et on s'oriente davantage vers une conception de four de longue durée, de forme cylindrique pour les fours circulaires et cubiques pour les rectangulaires, à l'image en quelque sorte des fours de tuiliers; l'accès au laboratoire de cuisson serait alors constitué par une porte latérale que l'on murait.
Pour les fours de la seconde moitié du IIe s, et du IIIe s., l'enfournement était une opération longue et précise qui devait durer sans doute plusieurs jours. Les vases, bien séchés et déjà revêtus de leur engobe, étaient superposés; les piles, séparées par des colifichets (petit pain d'argile pincé), reposaient pour certaines sur des massettes (pain circulaire en argile); des étagères, s'appuyant sur des "tournettes" qui s'emboîtaient dans des tuyaux cylindriques, permettaient d'augmenter le chargement. Le laboratoire était ensuite obstrué. La cuisson débutait par un petit feu à l'entrée de l'alandier afin de chasser l'humidité résiduelle des poteries, puis commençait le grand feu aux alentours de 900°C. Après au moins vingt-quatre heures de chauffe intense, l'alandier était fermé; commençait alors le refroidissement naturel qui durait plusieurs jours afin d'éviter tout choc thermique. L'ensemble dé l'opération, de l'enfournement au déchargement, devait occuper une quinzaine de jours.
Avec les labours, les ravinements, les sols d'occupations antique ont souvent disparu et, avec eux, les traces des constructions légères en bois, comme les hangars à séchage. Au mieux, il subsiste quelques trous de poteau, parfois perturbés par des fosses plus récentes. Ainsi, ne subsistent souvent que les structures enterrées, fours, caves, fosses, puits et aires de préparation de l'argile.
Dans le groupe des ateliers de la rue Saint-Taurin, nos fouilles ont permis la mise au jour de vastes aires de préparation de l'argile, d'une superficie de 120 m2 chacune. Creusées dans le sol et profondes d'une quarantaine de centimètres, elles étaient dallées au moyen de tuiles à rebords ou de carreaux rectangulaires en terre cuite et bordées de tegulae fichées verticalement. L'argile y était travaillée et la surface des tuiles porte encore les traces des coups de bêche. Entre chacune de ces grandes aires, des petites cuves de 2 m2 environ de superficie servaient probablement au stockage de l'argile préparée. Un fossé d'amenée d'eau bordait ces aires et assurait le mouillage de la glaise (12). Des aires de ce type existaient dans d'autres ateliers, comme à Ligonnes et peut-être route de Maringue.
Il ne semble pas que les potiers du ter siècle aient employé de telles aires pour travailler leur argile; par contre, dans les ateliers de cette époque, nous retrouvons des fosses qui devaient leur servir à la préparation de la glaise; les plus grandes, au fond plat, peuvent atteindre une vingtaine de mètres carrés de superficie, pour une profondeur inférieure à un mètre. Ces fosses, après leur abandon, servirent de dépotoir (voir p.876 de la ZAC de l'Enclos).
L'eau, avec l'argile et le bois, était l'élément indispensable à l'activité céramique. Les puits permettaient aux potiers de s'en procurer aisément grâce à une nappe phréatique peu profonde, de l'ordre de trois à quatre mètres actuellement. De plus, existait à Lezoux un réseau d'adduction d'eau très développé dont on retrouve fréquemment les conduites en terre cuite lors de travaux, de terrassement profonds. Certaines de ces conduites fonctionnaient encore lors de leur découverte, comme celle faite de tegulae découverte en 1987 par Jean-Claude Tixier, route de Courpière.
Jusqu'à ces dernières années, la seule référence était fournie par le Dr Plicque qui fouilla en 1883, à proximité de douze fours, deux maisons d'habitation détruites par le feu vers le milieu du IIIe s.; l'une d'elles renfermait dans ses ruines une série de poinçons-matrices et dix-neuf monnaies; l'autre, trois cents vases brisés, un miroir et une fibule de bronze plaquée d'argent.
Près d'un siècle plus tard, en 1986 et en 1987, nous avons fouillé deux maisons sur le terrain de la ZAC de l'Enclos (13) (groupe de la rue Saint-Taurin) dont l'une présente quelque analogie avec celles découvertes au XIXe siècle.
La première, située à vingt-cinq mètres d'une zone de fours, avait une superficie d'environ cinquante mètres carrés et comportait une cave semi-enterrée; celle-ci, entièrement dallée, avait un puits perdu dans l'angle sud-ouest et des murs recouverts d'un enduit hydraulique; cela laisse supposer que ce niveau était consacré au travail de la poterie; cette maison comportait au moins un étage mais, alors que le sous-sol était bâti en pierre, l'élévation était faite en pisé à clayonnage et recouvert intérieurement d'enduits peints. La présence de ceux-ci ne doit pas nous incliner à penser que cette demeure était luxueuse, mais simplement modeste sans être pauvre. Ce bâtiment périt par le feu et la fouille des décombres livra comme mobilier de la vaisselle, la quincaillerie habituelle (plaque de serrure, anse de seau, etc.), une série monétaire du milieu du IIIe siècle (notamment deux faux deniers en argent), une dizaine de poinçons-matrices et également une petite statuette en pierre représentant le dieu Vulcain et un antéfixe avec la figure d'Attis ou de Mithra.
L'autre maison n'a conservé également que sa cave en terre battue, parsemée de quelques fragments de poterie, et trois marches d'un escalier qui permettait d'y accéder. Ce bâtiment, dont le soubassement est construit en petit appareil, a été édifié dans la première moitié du IIe siècle. Il a une superficie d'environ 22 m2.
Une troisième maison, située à quelques mètres au sud-ouest de la première, a été repérée en novembre 1988 lors de travaux de voirie. Les murs étaient recouverts d'enduits peints, principalement rouges.
Comme nous l'avons vu précédemment, nous ne pouvons pas encore savoir s'il existait un habitat de type urbain à l'emplacement du vicus médiéval; par contre, nous avons quelques données sur l'occupation de la périphérie des groupes d'ateliers de potiers. II semblerait que les terres noires, dont la mise en culture dès l'Antiquité est d'ailleurs démontrée par la présence de multiples drains contenant du mobilier gallo-romain, voire laténien, soient parsemées de villas et de fermes antiques à Codégnat, la Cruille, Moissat, Lempty, etc. Les prospections aériennes du Centre d'études et de recherche d'archéologie aérienne de Clermont-Ferrand/Aulnat commencent à nous révéler l'importance de certaines de ces exploitations, véritables palais ruraux, dont l'activité paraît s'étendre durant toute la période gallo-romaine. Les autres terres devaient être recouvertes par la forêt dont le défrichement était le corollaire indispensable à l'activité céramique. Les ateliers de potiers, dans leur grande majorité, étaient installés sur des terres plus pauvres et sablonneuses.
Toute implantation humaine implique la présence de cimetières ou de nécropoles. Le territoire de la commune de Lezoux et ses abords en est parsemé et, à chaque groupement, correspondait son lieu voué aux morts (14).
Le mieux connu d'entre eux, peut-être le plus important, est la nécropole dite des Religieuses, où Hugues Vertet fouilla, de 1972 à 1975, 174 tombes gallo-romaines malgré plus d'un siècle de recherches actives menées par des collectionneurs. Cette nécropole ne présentait pas un ordonnancement régulier des sépultures. Le rite de l'incinération, à l'exception d'une tombe, semble être la règle durant tout le premier siècle, pour être progressivement abandonné durant le siècle suivant. Un mobilier, essentiellement céramique, accompagnait le défunt. Aucune sépulture n'indique que nous soyons en présence de la tombe d'un potier. La nécropole aurait pu occuper le centre ville actuel, aux ateliers du groupe "Rimbert", et peut-être aussi â ceux de la rue Saint-Taurin dont la partie sud-ouest n'en est éloignée que de deux ou trois cents mètres.
On pourrait rattacher au groupe des ateliers de Ligonnes quelques sépultures du Haut Empire découvertes par Plicque dans les bois de Ligonnes et de Montsablé; au groupe de la route de Maringues, celles découvertes par le même chercheur au Moulin à Vent/Moricaut; au groupe de Saint-Martin, de nombreuses tombes à incinération gallo-romaines et peut-être à inhumation; à Saint-Rome également. D'autres ensembles de sépultures ont été découverts autour du bourg de Lezoux, certains sont rattachables à des habitats comme à Lempty (villa de Chez Cagnat et vestiges de l'intersection de la D.104 et la RN 89), à Moissat; d'autres sont encore isolés archéologiquement, comme le cimetière des Grandes Plantasses (15) ou l'ossarium découvert le long de la route de Billom. D'autres restent à découvrir, à Ocher ou aux Fromenteaux-Theix par exemple.
En dehors de ces lieux consacrés exclusivement aux morts, nous retrouvons également des tombes d'enfants, souvent morts-nés, au sein même des ateliers, principalement dans la proximité des fours. Les corps étaient inhumés dans des terrines ovales, dans un fragment de grand vase, ou parfois même en pleine terre. L'ensevelissement dans des coffres en tuiles reste rare (16). Les corps étaient parfois accompagnés de quelques céramiques, de quartiers de viande, et très rarement d'objets en bronze ou de monnaie. Dans la nécropole des Religieuses, les tombes de bébés se mêlaient à celles des adultes.
Les études toutes récentes que nous avons menées apportent une vision quelque peu modifiée de Lezoux dans l'Antiquité. Il convient cependant de retenir que Lezoux ne se présentait pas à l'époque gallo-romaine comme une seule agglomération et que, parmi les groupes de potiers, ressort celui de la rue Saint-Taurin, englobé maintenant dans le centre de la ville actuelle, où plus de trois cents potiers sur sigillée lisse sont attestés. II semble aussi que chaque groupe avait son propre cimetière, parfois son lieu cultuel.
Des bûcherons, de ceux qui extrayaient l'argile ou la préparaient, des marchands et des colporteurs qui diffusaient dans une grande partie de l'Empire romain les productions de Lezoux, l'histoire ne gardera guère la trace. Au contraire, les potiers tourneurs ou mouleurs, en signant leurs céramiques à l'instar de leurs prédécesseurs italiques, ont pris une part importante dans le corpus des inscriptions latines.
A Lezoux, au terme de notre étude qui porte sur près de cinq mille marques de potiers découvertes sur le site en trente années de recherche, et en tenant compte des travaux d'Oswald ou d'Hartley, nous avons dénombré plus de neuf cent cinquante potiers auteurs de signatures épigraphiques sur sigillée lisse. A ce nombre, il convient d'ajouter une centaine de potiers auteurs de signatures inintelligibles qui ne figurent pas dans les deux premières catégories, ainsi que tous les potiers anonymes sur sigillée,
sur métallescente et sur les autres productions. II est intéressant de comparer ce total aux plus de trois cent cinquante potiers signalés par Alain Vernhet à La Graufesenque, en sachant que nous n'avons pu tenir compte que de la période d'activité qui va du début du ter siècle de notre ère à la première moitié du IIIes., les céramiques plus tardives n'étant plus estampillées.
L'étude détaillée de la provenance de ces marques a démontré clairement que la grande majorité de ces potiers est "attachée" à un seul groupe d'ateliers. Seuls 10% d'entre eux ont pu travailler dans au moins deux groupes de production. Pour la sigillée ornée, les moules d'un même potier mouleur se retrouvent dans plusieurs groupes et attestent ainsi leur vente auprès de potiers tourneurs.
Nous ne reprendrons pas ici les explications traditionnelles consacrées aux estampilles, mais nous voulons juste appeler l'attention sur l'association du nom du potier avec l'emploi du terme "officina" (abrégé en O, OF, OFF, ...) et bien signifier sa différence avec celui des termes "manu" ou "fecit"; le premier doit désigner le propriétaire de l'atelier, les seconds des ouvriers dépendant d'un atelier.
II convient aussi d'être bien d'accord sur la signification que l'on accorde aux termes "officine" ou "atelier". A notre sens et à part quelques exceptions que l'avenir mettra en lumière, ils doivent essentiellement désigner une unité de tournage aux IIe/IIIe s; et non pas un ensemble autonome avec aire de préparation de l'argile et four. II est bien attesté que les fours, qui pouvaient contenir jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de vases, permettaient chacun la cuisson de la production de dizaines de potiers et de plusieurs officines. L'enfournage et la cuisson devaient être menés par un spécialiste; il est difficile de connaître son statut, de dire s'il était ou non propriétaire de son four, s'il était lui-même tourneur, de définir ses relations avec les potiers... Il nous semble qu'un des moyens pour mieux appréhender cette organisation serait l'étude des empreintes digitales qui foisonnent sur les fours, le mobilier d'enfournement et les céramiques; elle dénoterait les éventuelles relations entre ceux qui construisent le four, ceux qui le restaurent, ceux qui tournent, ceux qui engobent et ceux qui enfournent.
On a souvent dit que les potiers signaient leurs vases parce qu'ils les cuisaient dans des fours collectifs. Cette thèse, qui a fait longtemps figure de vérité, nous semble à rejeter. En effet, seules des formes de sigillée lisse très précises sont estampillées avec une marque épigraphique; il s'agit, pour le lIe/IIIe s., des assiettes 54 et 55, du plat 56 de Lezoux, du gobelet Drag.33, du Drag.38, de la tasse Drag.27, de la coupelle Drag.42 et du service Walt.79/80. D'autres, par contre, ne sont jamais estampillées, comme le service des Drag.35 et 36 ou, à quelques exception près, les mortiers Drag.45, les tèles Drag.43, les Drag.44, les bols Drag.40.
Enfin, certaines formes ne sont signées qu'avec un type particulier d'estampille; nous voulons parler de la coupelle 042 (anciennement Drag.46) et du plat Curle 23 qui devaient former un véritable service qui était associé parfois à un Drag.38 ou; plus rarement, à un Drag.50; les éléments de ce service étaient toujours estampillés d'une rosette. Par contre, un autre service, très proche du précédent par la forme, composé de Curle 16 et de Curle 15, ne semble jamais avoir été estampillé à Lezoux, mais présente en son centre une incision plus ou moins circulaire qui peut ressembler à la marque que l'on retrouve parfois au fond de la vaisselle métallique. Ce genre de marque est souvent présent au fond des Drag.40.
Cela démontre, à notre avis, que le type de récipient impliquait le mode d'estampillage ou son absence. II est d'ailleurs frappant de constater que la céramique du IVe siècle, qui n'utilisait plus le répertoire des formes estampillées épigraphiquement des siècles précédents, ne portait plus le nom du potier.
Le groupe des ateliers de Ligonnes se trouve dans la partie nord de la commune de Lezoux, au pied et sur la pente d'une colline. Il couvre une superficie d'environ dix hectares; il est cependant difficile de la déterminer avec exactitude car les fouilles récentes n'ont permis l'exploration que d'une petite parcelle (G.1271) et les prospec-tions sont rendues difficiles par les propriétés privées. Il faut donc se baser sur les fouilles anciennes dont la localisaiton reste relativement imprécise.
La zone archéologique s'étend de part et d'autre de deux chemins, celui qui mène à ta ferme de Ligonnes et sur un tronçon de celui qui va des Ronzières à la Croix de Fiane.
Les parcelles concernées sont les suivantes (cadastre de 1947) G 1264, G 1266 où Plicque a trouvé des vestiges d'ateliers de potiers;
G 1265, puisque nous avons retrouvé le long de la partie sud de cette parcelle lors de travaux EDF de nombreux débris céramiques et des pierres de moyen appareil;
G 261, G 262 où se trouverait notamment un temple dédié à Apollon, fouillé à la fin du XVllle siècle (communication de Nicolon de Blanval à l'Académie de Clermont en 1784) et qu'aurait retrouvé Plicque au siècle dernier. Une vue aérienne de Daniel Chevallier (C.E.R.A.A.) a révélé en 1987 un grand damier sur cette parcelle, mais ceci nous semble plutôt relatif à des pratiques culturales plutôt qu'à des batteries de fours enclos, comme l'hypothèse avait été émise initialement;
G 1271 où Hugues Vertet a fouillé le terrain Audouard-Gagnadre de 1964 à 1968. II a notamment découvert un bâtiment agricole du ter siècle, détruit par les installa-tions de potiers (fours, aires de préparation de l'argile, salle de séchage avec hypo-causte, réserve d'eau, puits et fosses) implantées au IIe siècle. Un chemin parallèle à l'actuel a également été retrouvé, dénotant ainsi une cadastration fossile qui a été plusieurs fois signalée à Lezoux. Un four circulaire de la première moitié du IIe siècle, trouvé sur cette parcelle, a pu être démonté et reconstruit dans le musée principal. Cette fouille est le témoignage le plus précieux dont nous disposons sur les ateliers de Ligonnes.
Les noms de potiers relevés dans cette parcelle concordent globalement avec ceux fournis par Plicque pour les parcelles G 1264, G 1266, G 261, G 262; II est probable que les parcelles G 1267 à G 1274, G 1349 à G 1356, du moins dans leur partie nord, soient à englober dans la zone archéologique. Des sondages et de nouvelles prospections sont nécessaires pour le préciser. De même, nous manquons d'éléments pour savoir s'il existait une implantation antique à l'emplacement de la ferme de Ligonnes.
Dès que l'on s'éloigne de ces parcelles, et cela est aussi vrai pour les parties occiden-tales des G 1261, G 1262, G 1264, nous avons constaté par l'examen des drains agrico-les et des tranchées EDF (notamment tout le long du chemin vicinal n°35) que le ter-rain sableux ne renferme plus aucun témoin archéologique. Cette apparente stérilité
n'a pu être contredite par les prospections en milieu labouré menées à l'ouest de la zone archéologique que nous avons déterminée (G 1366 à 1370, G 1210 à 1260).
Dans les bois qui surplombent au nord ou nord-est ce groupe d'ateliers, Plicque a découvert des tombes à incinération.
Ce groupe d'ateliers de Ligonnes semble avoir surtout fonctionné au IIe siècle de notre ère. Il rassemble quatre-vingt-huit noms. L'activité de trente-huit potiers est à situer très probablement dans ce groupe. Les rares estampilles du ler siècle relevées à Ligonnes peuvent être rattachées à des sites de consommation.
II s'agit du groupe d'ateliers le plus vaste puisqu'il occupe une superficie de quinze hectares. II est limité à l'ouest par un coteau aux pentes abruptes, le coteau de la Vallières, et au sud par une forte dénivellation. Il est traversé du nord au sud par une route départementale qui se superpose aux structures d'ateliers. Il s'agit d'un secteur archéologique dense, particulièrement menacé par l'extension urbaine de Lezoux qui se concrétise par la construction de villas résidentielles.
II regroupe les lieux-dits du Moulin à Vent, des Plantades et du Mouillat Vent.
Les parcelles concernées sont les suivantes
Lieu-dit du Moulin à Vent (partie ouest de la route de Maringues; cadastre de 1947, le nouveau cadastre n'étant pas encore disponible pour cette section)
G 591 à G 594 : nombreux débris céramiques en surface. Le site devrait normale-ment se poursuivre aux parcelles G 588 à G 590 pour s'arrêter avec la rupture de pente, mais celles-là ne se prêtaient pas à la prospection.
G 595 à G 596 : nombreux débris en surface. Parcelle fouillée par le capitaine Caillaud au début du XXe siècle, quia découvert apparemment le seul four circulaire avec ses tubulures en place (maquette au M.A.N.). Il fut daté du IIe siècle. Un mur fut partiellement dégagé.
G 597 : J. Martin aurait fouillé cette parcelle (information C. Jouhannet).
G 602 à G 605 : terrain Cohade. Vestiges d'ateliers de la première moitié du IIe siè-cle. Fouille de H. Vertet en 1970 et en 1971.
G 605 : four du IIe siècle, fouillé par R. Pinel. G 607 : terrain Chalard, vestiges du IIe siècle. G 608 : Plicque aurait retrouvé dans cette parcelle la maison d'Asiaticus. II est à noter que la quasi-totalité des estampilles de ce potier a été trouvée dans ce groupe de production.
G 606, G 609, G 610 : vestiges d'ateliers, céramiques du ter au IIIe siècle. Nombreux vases carénés attribuables à Atepomarvs. H. Vertet fit un sondage en 1962 dans la parcelle G 606, puis plusieurs prospections de surface.
G 612, G 613 : nombreux tessons datables du ter au IIIe siècle. Il s'agit sans doute d'un terrain qui a dû être fouillé anciennement.
G 614 : zone très bouleversée, avec des tessons (du Ier au IIIe siècle) très fragmen-tés. C'est dans cette parcelle qu'aurait été trouvée la fameuse statue en arkose de Mercure, conservée actuellement au M.A.N. Lors des travaux de lotissement de cette parcelle, de multiples sondages ont été entrepris dans toute la partie nord, mais sans résultat, le sous-sol ayant déjà été entièrement remué. Dans la partie sud de la parcelle, sous la maison Chambon, présence d'un four circulaire du lie siècle; sous le mur de clôture, au nord de ce four, présence d'un bâtiment construit dans la première moitié du lie siècle.
G 615 à 618 : nombreux débris céramiques en surface.
AA 4 : prospection de H. Vertet : moules et sigillée. AA 1 : prospection J. Martin.
A l'est de tout cet ensemble, Plicque découvrit une nécropole à incinération (seconde moitié du ter siècle?) dont nous n'avons pas pu retrouver la trace.
Ce groupe d'ateliers de la route de Maringues a connu une activité sans solution de continuité du ter au IIIe siècle de notre ère. Contrairement à celui de la rue Saint-Taurin, il ne se releva pas au IVe siècle. Il regroupe cent vingt noms de potiers. L'acti-vité de quarante d'entre eux est à situer très probablement dans ce groupe. Seulement dix pour cent de ces potiers sont du ter siècle, alors qu'ils sont vingt-neuf pour cent et sept fois plus nombreux dans le groupe de la rue Saint-Taurin. Si la production de sigillée apparaît ainsi plus faible route de Maringues, elle est peut-être compensée par la production d'autres céramiques, comme celle des cruches engobées qui n'étaient pas signées.
Près du chemin vicinal n°2, dans la parcelle B 461 (cadastre de 1947), sous la ligne haute tension et coupé par un drain agricole, se trouve un ensemble de plusieurs fours. Contrairement aux autres groupes d'ateliers installés sur des terrains sablonneux, celui-ci est fixé à un terrain argileux. L'acidité du sol est très importante et a endommagé le mobilier céramique. Il n'est pas prouvé pour l'instant que ce groupe ait produit de la céramique fine ou sigillée, ou uniquement des tuiles et des poteries grossières.'
Nous avons pu, en septembre 1978, obtenir une excellente vue aérienne de cet ensemble, la seule d'ailleurs que nous ayons actuellement d'un groupe d'ateliers à Lezoux.
Ce groupe couvre une superficie d'environ une quinzaine d'hectares.
Situé très près du noyau médiéval de Lezoux, ce groupe est le seul qui présente une continuité d'activité du début du ter siècle à la fin du lue. C'est celui aussi qui réunit le plus grand nombre de potiers.
II est installé de part et d'autre de l'ancienne route nationale n°89 (Bordeaux-Lyon) qui reprend peut-être le tracé d'une voie plus ancienne. Il couvre la très faible superficie de quatre hectares, dont un dixième a pu être fouillé. _
II comporte les parcelles suivantes Sur l'ancienne place du Monument aux Morts (cadastre 1987)
AA 12 : à l'emplacement du Musée Archéologique : four gallo-romain.
AA 13 : à quelques mètres au sud-est de la Caisse d'Epargne, les travaux EDF-GDF ont coupé en 1987 un four du IIe siècle.
Sur la ZAC de l'Enclos (cadastre de 1947)
H 877. Dans la partie sud-est de la parcelle : four rectangulaire du milieu du ter siè-cle, four rectangulaire de la fin du IIe ou du IIIe siècle, mur, quatre tombes d'enfant (fouille Ph. Bet).
H 875 : deux fours tibériens (un circulaire, l'autre octogonal), fosses de préparation de l'argile du ter siècle, tombes d'enfant, bâtiment construit dans la première moitié du IIe siècle (fouille Ph. Bet).
H 1718 : un four circulaire tibérien, deux fours circulaires en batterie, de la premiè-re moitié du ter siècle, un grand four rectangulaire de la fin du IIe ou du IIIe siècle, deux fours circulaires du IVe siècle, une maison d'habitation avec sous-sol à fonction artisanale, détruite au milieu du troisième siècle, un bâtiment avec des enduits peints (fouille Ph. Bet).
H 1506 : deux fours tibériens (un circulaire, un rectangulaire) (fouille Ph. Bet).
H 887, H 888 (site Lasteyras) : dans la partie orientale de ces parcelles, six fours circulaires tibériens, un four circulaire du milieu du ter siècle, un four rectangulaire de la fin du IIe ou du IIIe siècle, un four gallo-romain non fouillé, une aire de prépa-ration de l'argile, deux puits, des dépotoirs (fouille H. Vertet).
H 975: nombreux vestiges céramiques dans le jardin de la gendarmerie.
H 974: lors de la construction de la nouvelle gendarmerie en 1977, découverte, dans l'angle sud-ouest du bâtiment principal, d'un four circulaire du IIe siècle (ouverture au nord) et, dans l'angle nord-est, des restes d'un très grand four rectangulaire (orienté est-ouest) du IIe ou du IIIe siècle, de canalisations cylindriques et d'un pui-sard en petit appareil.
H 965, H 967, H 968 (peut-être H 971) : le Dr Plicque, puis sa fille, ont découvert dans leur jardin plusieurs fours. E. Plicque les attribua à l'atelier de Borillus.
Au nord de l'Enclos, Charles Fabre situe des fours dans les parcelles H 945-H 946, l'exploration que nous avons menée dans ces parcelles en 1983 n'a pas permis de le confirmer. Jean-Luc Chalut signale, de son côté, la présence de vestiges céramiques dans les parcelles H 937 à H 953 qui laisse penser à la présence d'ateliers; cela est toutefois inexact pour les deux parcelles précédemment citées.
Les constructions urbaines empêchent toute exploration le long de la rue Saint-Taurin mais, comme quelques découvertes fortuites le laissent supposer, il est vraisemblable d'y prolonger l'implantation antique.
Roger Pinel a découvert dans la parcelle F 1020 (cadastre de 1947) du mobilier gallo-romain lors de la construction de l'huilerie. Devant les parcelles G 861 à G 842, rue des Aises, des découvertes céramiques auraient été faites lors de l'instal-lation du tout-à-l'égout. Dans les parcelles G 879 et G 882, des niveaux gallo-romains (ter et IIe s.), avec un épandage de nodules d'argile cuite, perturbés par des fosses médiévales et modernes ont été relevés en 1984 lors de sondages sur la ZAC de l'Enclos. Il est cependant difficile, à partir de ces seuls éléments, de prolonger ce groupe d'ateliers vers l'ouest.
Dans la maison de retraite "Mon Repos" (cadastre de 1947) (site de l'Hôpital ou J.H.)
H 389 : dans le square installé au sud de cette parcelle, H. Vertet a fouillé un dépo-toir du IIe ou IIIe siècle.
H 397, H 398 : grand four rectangulaire de la seconde moitié du IIe siècle, quatre fosses-dépotoirs, trous de poteau, couches de la fin du ter siècle. Mobilier cérami-que du début du ter siècle au IVe (notamment un D.72 avec un relief d'applique représentant Mithra) (fouille Vertet, Hartley et C.A.L.).
H 809 : un grand dépotoir avec de la sigillée lisse (J.H.2) de la phase 7, les vestiges d'un bâtiment avec des enduits peints et une cave de la fin du ter siècle ont pu être fouillés par H. Vertet en 1963 et en 1964.
Dans le quartier de la maison de retraite "Mon Repos" (cadastre de 1947)
Place Rimbert et début de la rue de la République : four gallo-romain coupé lors des travaux d'adduction d'eau en 1968. Mobilier céramique trouvé lors de différents travaux : de l'époque tibérienne au IIe ou IIIe siècle. Des enduits peints gallo-romains, découverts par H. Vertet en 1963 lors de sondages, démontrent la proximité de bâtiments antiques.
H 407, H 408 : à l'angle sud-est de H 407, fosses et mobilier des IIe et IVe siècles (fouille H. Vertet, 1981).
H 419, H 420 (site de l'Oeuvre Grancher) : une série d'aires de préparation de l'argile (deux de cent vingt mètres carrés de superficie, trois d'un à trois mètres carrés), un fossé d'amenée d'eau, des fosses et des trous de poteau de la seconde moitié du IIe siècle ont été mis au jour de 1977 à 1979 par H. Vertet. Deux aires de préparation de l'argile et des fosses du IVe siècle ont également été dégagées. Une occupation flavienne a été aperçue avant le bouleversement du site.
H 422 (site Taurin), à l'emplacement du nouveau dépôt de fouilles de la Direction des Antiquités, H. Vertet a fouillé de 1968 à 1971 une aire de préparation de l'argile, cinq dépotoirs (dont un avec le squelette d'un vieillard) et une tombe d'enfant du IIe siècle, des couches du milieu du ter siècle fortement perturbées, un four rectan-gulaire, un puits, trois dallages et deux tombes du IVe siècle.
H 436 : le Comité Archéologique a fouillé en 1956 une aire de préparation de l'argile, longue de treize mètres, et des dépotoirs du IIe siècle.
II semble que nous ayons ici (H 419, H 420, H 422, H 436), sur près de quatre-vingt mètres où se succèdent des aires de préparation de l'argile, tout un quartier spécialisé dans cette fonction au IIe et encore au IVe siècle. Aucun four du IIe siècle n'a été décelé. Tous ces dallages du IVe siècle montrent aussi l'importance de la production de cette époque et la continuité de la tradition céramique.
H 434 : un four du IIe siècle aurait été découvert dans cette parcelle.
Roger Pinel, directeur du C.E.G. et président du C.A.L., a bien surveillé les travaux du groupe scolaire sur la parcelle H 960 et n'a trouvé aucune structure.
Trois cent trente-deux noms de potiers sont attestés dans le groupe des ateliers de la rue Saint-Taurin pour les phases chronologiques 2 à 7 (parfois 8). Quatre-vingt-dix-sept, soit un peu moins de trente pour cent, datent du Ier siècle, ce qui dénote bien la forte activité à la fois de Lezoux et de ce groupe, en particulier pour cette période. Cent quatre-vingt-dix potiers ont eu une activité très probable dans ce centre. Les céramiques sigillées n'étant plus estampillées dans la seconde moitié du IIIe et au IVe siècle, nous ne pouvons qu'entrevoir l'importance de ce groupe au Bas-Empire que par les surfaces considérables des aires dallées de préparation de l'argile, retrouvées autour de l'hospice Mon Repos.
Ce groupe d'ateliers couvre une superficie très réduite puisqu'elle n'est que d'environ sept mille mètres carrés. Plicque a fouillé aux Saint-Jean au siècle dernier, notamment dans le terrain Marmy (probablement E 1039 ou E 1032).
II comprend les parcelles suivantes (cadastre de 1947)
E 1239, E 1234, E 1032, E 1039 : en 1974, lors de la construction de la déviation de Lezoux (maintenant R.N. 89), à l'intersection avec la rue des Saint-Jean, Hugues Vertet a pu fouiller deux fours rectangulaires, des dépotoirs du milieu ou de la seconde moitié du IIe siècle, et a retrouvé des canalisations cylindriques en terre cuite.
E 1223, E 1224 : lors des travaux du gaz, en 1986, sous le chemin vicinal n°21 et devant ces parcelles, nous avons observé un four rectangulaire gallo-romain et un mur en petit appareil.
E 1238 : dans le cimetière actuel, présence de tessons antiques.
Les travaux routiers et les tranchées de GDF laissent supposer l'existence de vastes zones non occupées à l'époque romaine. Sous la déviation, tous les terrains à l'est de
la parcelle E 1039 et à l'ouest de la parcelle E 1227 ou E 1228. Sous la rue des Saint-Jean (côté est), toute la zone entre la parcelle E 1124 et la E 1184. Rien n'a pu encore confirmer l'hypothèse de Charles Fabre qui situait, dans ce faubourg, l'agglomération primitive de Lezoux.
Ce groupe d'ateliers ne semble avoir fonctionné que durant le IIe siècle, au moment du grand essor de Lezoux. Cinquante-cinq noms de potiers y sont attestés. L'activité de douze d'entre eux dans ce groupe est certaine ou très probable.
Hugues Vertet fouilla en 1974 et en 1975 des dépotoirs de poterie commune de la fin du ter ou du début du IIe siècle. Quelques sigillées s'y trouvaient également, mais il n'est pas sûr qu'elles attestent une production sur place.
Ch. Fabre a fouillé dans le hameau un édifice qu'il interprète comme étant un temple.
L'abbé Constancias (et peut-être Raconnat) a fouillé également à Saint-Martin (nécropole?). ,
Des débris céramiques ont été recueillis lors de la construction des HLM.
Plicque mentionne la découverte de nombreuses estampilles à La Pradelle. Faut-il situer là un lieu de production et, si oui, est-il en rapport avec Saint-Martin?
Comme on peut le constater, nos renseignements sur ce groupe de production sont très succintes. II est difficile de se faire actuellement une idée précise.
II constitue le groupe le plus méridional de Lezoux. II est principalement connu grâce aux travaux de Roger Pinel. L'aspect lacunaire des recherches dans ce secteur est cependant trop important pour proposer une superficie. Quatre potiers sont recensés actuellement à Ocher.
Les parcelles concernées sont les suivantes (cadastre remanié de 1979)
ZV 70 (Les Littes) : R. Pinel a fouillé des vestiges d'ateliers dans la partie nord-ouest de la parcelle. ZV 10 ou 40 : four d'époque indéterminée, coupé par un drain agricole en 1977. ZV 8a (La Pierre qui danse) : deux fours d'époque indéterminée étaient visibles en 1977 dans le talus de la D.229.
M. Cohendy relate en 1872 la découverte de huit fours dans les parcelles H 96, H 97 et H 100. Plicque signale dans ce secteur plusieurs potiers du IIe siècle sur sigillée lisse : BANVILLVS, COCVRO, CALETINVS, MARCELLINVS, ainsi qu'ALBINVS, ADVOCISVS et IVLLINVS.
Les travaux de construction dans ces parcelles n'ont pu être surveillés et donc aucun élement nouveau n'est venu nous documenter sur ce groupe de production. (voir plan n°4).
Devant l'école Taurin-Dufraisse (parcelle H 926 du cadastre de 1947), le long de la rue de la République, une tranchée GDF a coupé un four et des structures d'atelier du IIe siècle, en 1987. Ces vestiges sont localisés le long de cette parcelle. Le suivi des autres tranchées, rue Mercoeur, rue Salez ou rue de la République, a permis de consta-ter que le terrain est stérile (substrat sablonneux), jusqu'au groupe de la rue Saint-Taurin. Nous ne possédons pas d'autres informations sur cet atelier ou ce groupe (voir plan n°4).
Dans les parcelles E 1000, E 1007, E 1009 et E 1010 (cadastre de 1947), Charles Fabre a retrouvé en 1934-1935 des vestiges d'atelier de potiers (fours, aires de préparation de l'argile) des Ier et IIe siècles.
Aucun élément ne permet de rattacher cet ensemble à celui des Saint-Jean qui se trouve à cent soixante-quinze mètres plus au sud (voir plan n°4).
Deux accessoires d'enfournement pour sigillée trouvés à Saint-Rome auraient pu indiquer l'existence d'un atelier dans cette zone qui semble avoir été occupée à l'époque gallo-romaine (parcelles F 266 à F 277, F 61 à F 78 du cadastre de 1947).Cette hypothèse est actuellement abandonnée (1999).
Une centaine de noms de potiers retrouvés sur des sites de consommation (nécropo-les...) n'a pu être rattachée, de façon probable ou même incertaine, à un groupe de production. Le pourcentage de potiers du ler siècle, principalement de la phase 2, est des deux tiers, ce qui montre l'importance de Lezoux dès le début du ter siècle, avec plus de cent cinquante potiers, alors que l'on n'en dénombrait avant cette étude qu'une trentaine.
(*) E.R.226, Centre Archéologique, 63190 Lezoux. Les auteurs tiennent à remercier particulièrement Hugues Vertet d'avoir mis à leur disposition le résultat de ses fouille, sans lesquelles ce travail n'aurait pu voir le jour.
(1) Nous avons mené en 1976 et 1977 une vaste campagne de prospection systématique sur le territoire de la commune, qui a fait l'objet d'un rapport à la Direction des Antiquités, et d'une communication au congrès national de la Société Française d'Etude de la Céramique en mai 1980.
(2) Voir les nombreux articles de Roger Pinel, parus dans le bulletin du Comité Archéologique de Lezoux. Nous remercions ,Madame Pinel pour nous avoir autorisé à consulter les archives de son mari. Voir également le mémoire de Jean-Luc Chalut sur l'implantation gallo-romaine à Lezoux (Université de Clermont-Ferrand II, 1969).
(3) Jusqu'à présent, aucune autre activité extérieure à la céramique (tabletterie, verrerie) n'a été décelée à Lezoux aussi, lorsque nous parlons d'atelier, il s'agit exclusivement d'ateliers de potiers.
(4) Charles Fabre : "Lezoux à travers les âges", Auvergne Littéraire, 1958.
(5) Philippe Bet : Groupes de production et potiers è Lezoux (Puy-de-Dôme) durant la période gallo-romaine, thèse de l'Ecole des Hautes Etudes, sous la direction de C. Bémont, nov.1988-janv.1989, 9 vol.
(6) Le nombre de potiers est donné en tenant compte de tous les noms de potiers sur sigillée lisse trouvés dans chacun des groupes de production, en excluant ceux qui manifestement y sont étrangers. II s'agit d'un nombre minimum qui ne peut se baser que sur les noms de potiers qui semblent avoir effectivement travaillé dans ces groupes d'ateliers. A ce nombre s'ajoute celui des potiers analphabètes, des mouleurs, etc.
(7) Fouille de Hugues Vertet et de B. Hartley sur le terrain Audouard-Gagnadre au Rincé (voir notamment R.A.C., t.Vlll, 1968). (8) Lettre adressée à V. Durand le 1.1.1892.
(9) Communication à l'Académie de Clermont-Ferrand en 1784 (texte perdu).
(10) Voir notamment l'état de la question en 1977. H. Vertet : "Les fours de potiers gallo-romains du centre de la Gaule", Berlin 1977 (Brenntechniken von keramik).
(11) Philippe Bet : "Premiers fours rectangulaires en batterie du ler s. à Lezoux", Actes du Congrès de la S.F.E.C.A.G., Reims, 1985.
(12) Philippe Bet, Hugues Vertet : "Les fouilles de l'Oeuvre Grancher, les structures du lies.", Recherches sur les ateliers de potiers de la Gaule centrale, t.l, R.A.S., 1980.
(13) Philippe Bet, Reine Gangloff : "Les installations de potiers de la ZAC de l'Enclos : Ier-IVe s.", Actes du Congrès de la S.F.E.C.A.G., Caen, 1987.
(14) Hugues Vertet : "Les nécropoles de Lezoux", Bulletin du Comité Archéologique de Lezoux, 1975, p.20-23.
Christian Mondanel : Nécropoles et sépultures gallo-romaines en Auvergne, thèse de IIIe cycle, 1982, Université de Clermont-Ferrand II.
(15) Philippe Bet, Hugues Vertet : "Fouilles récentes sur le site de Lezoux", Sites, numéro 1, 1978.
(16) Philippe Bet, Hugues Vertet : "Une tombe d'enfant sous tuiles du IIe s. à Lezoux", Recherches sur les ateliers de potiers de la Gaule centrale, t.1, R.A.S., 1980, p.89-104.
Hugues VERTET : Je remercie très vivement P. BET pour deux raisons. D'abord, pour nous avoir donné les conclusions de son étude et la méthode de son travail, plus que le détail des vases qu'il a étudiés. Ensuite, parce que je pense que cette communication débute le congrès de l'année prochaine et montre combien il y a de problèmes grâce à une étude systématique des productions. Il y a, aussi, à Lezoux, une équipe solide qui commence à se constituer.
Armand DESBAT : Je veux te féliciter pour ce travail qui va apporter beaucoup à tous ceux qui regrettent, depuis quelques années, de ne pas disposer de références nouvelles et précises pour Lezoux. Il est clair que cela posait des problèmes pour les estampilles non attribuées. Dans cette étude, es-tu en mesure de proposer des fourchettes chronologiques autres que "Ier siècle", "II ou Me s." pour un certain nombre d'estampilles ?
Philippe BET : Non. Il y a encore un problème pour la datation de ces estampilles; on peut toujours proposer une fourchette mais on voudrait s'appuyer sur les sites consommateurs pour l'affiner. La datation que l'on peut obtenir sur les ateliers eux-mêmes -tu le sais comme moi-, n'est jamais très facile à obtenir. Pour quelques potiers, on a des idées un peu plus précises : pour ceux qui ont travaillé au IIIe siècle, on peut avoir des datations à trente ans près ; mais, dans certains cas, cela est sujet à caution.
Armand DESBAT : Justement, en ce qui concerne le problème du IIIe siècle, dans les découvertes récentes, est-il apparu des noms de potiers que l'on ne connaissait pas ?
Philippe BET : Oui, il y a quelques noms de potiers qui étaient totalement inédits. Ils nous apportent des fils conducteurs pour reconnaître le IIIe siècle de Lezoux sur les sites consommateurs.
Armand DESBAT : Evidemment, cela sera très précieux.
Hugues VERTET : Il est probable que toutes les questions qui se posent, ou que vous pouvez vous poser, seront plus à leur place, l'année prochaine, à Lezoux. Je remercie, encore, P. BET, parce qu'il me semble que son exposé soulève une quantité de problèmes. Qu'est-ce qu'une estampille ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce que cela représente par rapport à l'organisation du travail ? Par exemple, le fait que les potiers travaillaient en groupe et ne se soient pas tellement dispersés dans des lieux différents, est une découverte qui n'était pas connue jusqu'à maintenant.