ARCHÉOLOGIE ET MÉDECINE

VIIèmes Rencontres Internationales d'Archéologie et d'Histoire, Antibes, Octobre 1986

Editions A.P.D.C.A., Juan-les-Pins, 1987

 

RECHERCHE SUR LES TRAUMATISMES HISTORIQUES CRÉÉS PAR LA CONQUÊTE DE LA GAULE ET LA ROMANISATION

 

Hugues VERTET *

RÉSUMÉ

Les Gaulois ont vécu avec la conquête, puis la romanisation, des traumatismes terribles. Il leur a fallu faire le deuil de leur liberté, de leur religion, de leurs modes de vie,. traditionnels en les adaptant à un monde nouveau. Les processus de survie ou de guérison ont été différents selon les générations et les époques, selon les milieux et les possibilités. Ainsi les soldats et les officiers engagés et favorisés par les empereurs ont-ils supporté le choc, mais deux générations plus tard, certains d'entre eux animent des révoltes désespérées et suicidaires. Ainsi les potiers imitent-ils si bien la terre sigillée qu'ils conquièrent tout le marché occidental de l'Empire, ce qui est gratifiant pour eux. Ils diffusent aussi une énorme quantité de figurines qui expriment les difficultés ressenties par les pauvres devant une nouvelle civilisation et leurs espérances dans un recours à la Terre-mère. Ils acquièrent un langage d'images mais refusent les scènes figurées. Les sculpteurs dressent un peuple de divinités face à l'invasion des images romaines. Souvent ces dieux, comme les dignitaires humains, collaborent avec Rome pour conserver leur pouvoir, ce qui est aussi un processus de guérison du traumatisme.

 

ABSTRACT With the Conquest and Romanisation the Gauls lived terrible traumatims. They had to give up as lost their traditional liberty, religion, ways of life... and adapt them to a new world. The surviving or recovering processes were different according to generations and epochs, to social classes and means. Thus the soldiers and officers enlisted and favoured by the emperors got the better of the shock, but two generations later some of them incited desperate and suicidal revolts. Thus the potters imitated sigillated earth so well that they conquered the whole western market in the Empire, which was to tehm gratifying. They also circulated a big quantity of figurines which expressed the difficulties felt by the poor confronted with a new civilisation and their hopes in appeling to mother-Earth. They managed to speak through images, while refusing figured scenes. The sculptors set a population of deitus against the invasion of Roman images. Such gods, just like human dignitaries, co-operated with Rome to maintain their power, which is also a means of recovering from traumatisms.

 

Il existe, non seulement dans les termes mais aussi dans les faits, certaines analogies entre la façon dont survivent et se guérissent les individus et les classes sociales, les groupes, les sociétés (Castellany) face aux bouleversements qui se produisent au cours de leur histoire. Il est donc possible d'étudier l'évolution des uns et des autres en prenant en compte les moyens qu'ils utilisent pour cette fin. Si nous considérons les événements dramatiques de l'histoire, nous pouvons appeler ces bouleversements des traumatismes historiques, à l'intérieur desquels se situent des traumatismes psychologiques. Pour plus de clarté, il me faut préciser le sens exact que je donne à "traumatisme psychologique ". Le premier terme représente un événement grave, un choc, un changement brusque de situation, une rencontre importante - par exemple entre deux civilisations - amenant des perturbations graves, des blessures parfois longues à guérir. Par "psychologique", je désigne d'une part la façon dont les blessures vivent dans la mémoire et conditionnent les comportements, d'autre part comment se défend, plus ou moins bien, l'intégrité de la personnalité ou du groupe social, consciemment ou inconsciemment. Ces défenses face à ce qui agresse par sa volonté de puissance ou sa différence peuvent subsister avec de fortes tensions ou bien, dans des conditions favorables, susciter des processus de guérison.

 

Une recherche sur ce sujet n'est donc essentiellement centrée ni sur la suite des événements, l'évolution des conditions sociales ou économiques, ni sur les changements de pouvoir, ni sur les affrontements des systèmes religieux ou la vitalité des mythologies, mais sur les façons dont ces transformations ont été ressenties, en des lieux, des moments et par des individus précis. En l'occurrence, nous voudrions donc nous demander ici, ensemble, comment les Gaulois ont surmonté les traumatismes d'une conquête qui les a transformés en sujets, puis participants de l'Empire romain et quelles réactions psychologiques leur ont permis de retrouver l'équilibre de la création d'une civilisation originale dite " gallo-romaine ". Rechercher comment ces faits ont été vécus par tous les intéressés, et non point seulement par leurs dirigeants, peut nous expliquer, en partie, leurs attitudes contemporaines ou ultérieures (1).

 

Il existe certes des observations pertinentes sur les réactions psychologiques de groupes d'individus plus ou moins importants dans plusieurs travaux historiques (Clavel-Lévêque, 1985, par ex.), mais il serait utile de les coordonner dans un tableau d'ensemble. Une vaste enquête serait nécessaire. Elle devrait envisager les diverses parties de la Gaule romaine, de 120 avant J.-C. à 451 après, région par région, période par période, avec les différentes classes on niveaux sociaux. Ce serait une enquête à mettre en place avec une équipe pluridisciplinaire. Un des dangers auquel je voudrais échapper dans ce court exposé serait de rechercher dans l'étude des traumatismes historiques des explications pour des périodes ou des espaces trop grands ou mal définis. Un autre danger serait de trop privilégier le psychologique en excluant les facteurs politiques, économiques, géographiques etc., qui demeurent certes des composants indispensables de la compréhension de l'histoire (2).

 

De là, mon intention est seulement de présenter ici quelques hypothèses d'interprétation, à partir d'événements survenus dans les Trois Gaules sur lesquels les textes et surtout l'archéologie peuvent nous renseigner. Ils se situent dans une période située entre les années moins 52 et plus 70. La première date est celle de la victoire finale de César, la seconde, celle de la dernière protestation violente enregistrée contre la conquête. C'est la déclaration des représentants des cités gauloises au congrès de Reims, demandant aux révoltés. au nom de la Gaule entière. de déposer les armes (Tacite, Histoire, 58-59).

 

Je réduirai aussi le choix de mes observations à trois domaines, en privilégiant les objets de fouille par rapport aux documents écrits, puisque c'est le thème de notre réunion: archéologie et médecine (3).

 

I - le militaire

II - le religieux

III- et enfin celui des commerçants et des artisans.

Les exemples choisis sont soit généraux - je me contenterai de les signaler brièvement - comme la rencontre de deux cultures, la durée de la mémoire, les effets du recrutement militaire, l'attitude de la bourgeoisie urbaine, la diffusion des représentations divines..., soit particuliers comme la révolte de Sacrovir, les techniques céramiques, le pilier des Nautes, les " Vénus " et les nourrices en terre cuite. Ce qui à trait à la céramique, et constitue en particulier la dernière partie de cet exposé, sera plus développé, car c'est le domaine sur lequel je travaille. Il a paru ainsi utile d'attirer l'attention sur les renseignements que peuvent apporter, à l'appui de mes hypothèses, des documents auxquels il n'est pas habituel de faire appel dans le cadre d'une recherche sur l'évolution psychologique.

 

I - LE PLAN MILITAIRE

Le traumatisme principal a été le choc de la guerre, de la défaite, de la conquête et de l'installation définitive de l'autorité du peuple conquérant. La résistance avait coûté très cher à la Gaule. César affirme - en exagérant peut-être quelque peu - avoir pris d'assaut 800 forteresses, soumis 300 tribus, combattu 3 millions d'ennemis, tué 1 million d'hommes et fait 1 million de prisonniers (Plutarque). Les estimations de la population de la Gaule à cette époque varient du simple au double, mais actuellement on penche pour environ 8 millions d'individus (France rurale). La guerre aurait donc fait disparaître environ un quart de la population et détruit une partie notable des habitations dans les oppida. Les vols, aussi bien dans des trésors civils que religieux, ont été excessifs, même aux yeux de certains Romains. Ainsi Suétone raconte-t-il que César pilla les chapelles et les temples des dieux et qu'il détruisit des villes plus pour le butin qu'en raison des fautes commises (Suétone, 5456). C'est ce que nous en disent les Romains.

 

Plusieurs réactions des Gaulois nous permettent de concevoir ce qu'ils ressentirent devant ce traumatisme et comment ils le surmontèrent de façons variées. Nous ne parlerons que de quatre aspects du problème :

 

A - La victoire des Romains sur les Gaulois n'est pas celle d'une civilisation techniquement supérieure qui en aurait écrasé une autre.

B - La blessure du traumatisme est restée inscrite dans les mémoires au moins 150 ans.

C - Pendant la première génération, l'intégration dans l'armée romaine semble avoir compensé les effets du traumatisme pour un certain nombre de guerriers.

D - La révolte de l'Eduen Sacrovir témoigne d'une évolution psychologique de la Gaule.

 

A - RENCONTRE DE DEUX CIVILISATIONS

 

Au contraire de ce qui s'est passé dans plusieurs luttes coloniales du siècle dernier, les conquérants ne possédaient pas des techniques ni des armements supérieurs à ceux des Gaulois (France rurale, p. 189). Ces derniers ont été vaincus à armes égales, épées contre épées, lances contre lances, arcs, boucliers... et non pas des fusils et des mitrailleuses contre des armes antiques. Ils ne se sont donc pas sentis brisés intérieurement ni humiliés sur ce plan comme l'ont été certains pays colonisés. Ainsi, sur le très officiel pilier des Nautes, élevé à Paris, un sculpteur de l'époque tibérienne a-t-il représenté des personnages avec des armes gauloises.

 

La supériorité du conquérant tenait à une stratégie et à une tactique plus élaborées, à une expérience incomparable acquise par de nombreuses guerres de conquête... comme à une armée de métier mieux entraînée. Les Gaulois semblent en avoir eu profondément conscience . Ils restèrent convaincus de l'excellence de leurs compétences dans la fabrication des armes et dans leur maniement.

 

B - MEMOIRE DE LA GUERRE

 

Dans la mémoire des Gaulois des souvenirs de la défaite restèrent certainement plus vivants que ne le rapportent les historiens romains attentifs à montrer la détermination et la réussite romaine et à minimiser les attitudes des vaincus. Certes, les différents peuples de la Gaule ne pouvaient avoir tous, et à tous les niveaux, une vue intellectuelle et globale des campagnes, des massacres ou des destructions de César telles que lui-même les a décrites dans ses Commentaires ou telles que nous essayons actuellement de les reconstituer. De la même façon, de nos jours, bien peu de nos contemporains ont en mémoire une vue d'ensemble de la guerre de 1870, de 1914 ou de 1940. Pour ce qui est du dernier conflit, nous savons surtout le vécu que nous ont raconté nos parents ou les épisodes qui nous ont concernés.

 

Ainsi, il y a deux mille ans, il a dû rester beaucoup de drames dans la mémoire populaire gallo-romaine. Il était, probablement, pour les Gaulois d'autant plus facile de se rappeler les pillages de César que des exactions notables continuèrent à avoir lieu après lui, parfois même par le fait de Gaulois comme Licinius, nommé par Auguste procurateur des Gaules. Nous avons appris combien le souvenir des massacres qui eurent lieu pendant les Croisades est resté vivant de nos jours chez les habitants du Proche-Orient, bien des siècles plus tard. . . A plus forte raison, le souvenir de ce que chaque peuple de la Gaule avait enduré pendant la conquête de César pouvait demeurer présent chez les descendants immédiats de ceux qui avaient eu à lutter contre les Romains.

 

Il faudra en effet attendre 120 ans moins de 50 avant notre ère à 70 après - pour qu'un "concilium Galliae" décide que la Gaule doit rester fidèle à l'Empire romain. Ce sera seulement après Trajan, c'est-à-dire 150 ans environ après la conquête, que les mots d'indépendance et de liberté ne seront plus prononcés, comme le remarque J.J. Hatt (Hatt, 1970, p. 14). Les troubles, par la suite, ne seront dûs qu'à la misère ou au brigandage (4).

 

Il est important de garder présent à l'esprit qu'il exista deux évolutions psychologiques différentes, celles des Romains, que nous connaissons par les auteurs latins, et celle des Gaulois, que nous ne devons pas confondre trop vite avec la première. Certes, d'un côté Claude avait pu déclarer, devant le Sénat, un siècle après la conquête: " jamais, depuis qu'elle a été domptée par le divin Jules, la fidélité de la Gaule n'a été ébranlée; jamais, même dans les circonstances les plus critiques, son attachement n'a été démenti " (Tacite). Chez de nombreux Gaulois, il exista cependant une période fort longue, qui comporta quatre ou cinq générations, pendant laquelle le souvenir d'un état antérieur regretté resta assez vivant pour susciter des révoltes violentes (Hatt, 1970, p. 86).

 

C - EFFETS DE L'INTÉGRATION DANS L'ARMEE

 

Qu'étaient devenus les guerriers de la Gaule ? Une partie avait été tuée, une autre faite prisonnière et vendue; de plus César allait enrôler de nombreux survivants dans son armée. Il exigea beaucoup des Gaulois pour le service militaire et, avec des transalpins, il forma une légion, qu'il nomma d'un nom gaulois "alaudae" (les alouettes). Il priva le pays de son aristocratie guerrière en appelant auprès de lui nominativement tout ce que la Gaule comptait de plus noble et de plus brave (César BG, 1,29). Son but était multiple: il se procurait des guerriers valeureux, amoureux des combats; il écartait de leur peuple des éléments capables de fomenter et de conduire des révoltes; il les attachait à sa personne. Les privilèges, les récompenses, l'estime que leur montrait le général vainqueur et les hautes fonctions conférées aux chefs gaulois compensaient, pour une partie au moins de cette classe celte guerrière, la tristesse de la défaite. Ils retrouvaient un père aimant dans un père sévère qui avait su montrer sa supériorité et son pouvoir.

 

D - L'AVENTURE DE SACROVIR

 

Mais une partie des guerriers restés en Gaule et les générations suivantes n'avaient point eu cette possibilité de retrouver le même équilibre intérieur. Le souvenir de la défaite restait ravivé par les excès des impôts et les exactions que décidaient des gouverneurs ou des empereurs avides. Ils sentaient les manipulations d'un pouvoir qui, pour leur faire oublier leur autonomie ancienne, utilisait les qualités guerrières de leurs peuples et leur goût de la gloire en les reportant sur Rome. Ainsi étaient comme gommés les malheurs de leurs cités et de leurs familles. D'autre part, les années passant, les Gaulois recrutés rompus aux métiers et à la tactique des armées impériales allaient être tentés de retourner contre Rome l'expérience qu'ils avaient acquise sous sa discipline et trouver à l'intérieur du pays de quoi composer de nombreux bataillons (Harmand, p. 60). Ainsi en est-il de l'Eduen Julius Sacrovir, qui avait appartenu aux cadres de l'armée du Rhin et y avait longtemps guerroyé (Tacite, Annales II, 52; III, 4047, 73-74; IV, 23).

 

Il est important de voir que c'est en 21 après J.-C., 75 ans après la conquête - le temps de deux générations -, que le souvenir de la liberté contribue si fortement à lancer une révolte. De jeunes nobles et des éléments de la bourgeoisie urbaine d'Autun, où cet ancien officier avait pu s'installer, se rallient à sa cause. On peut certainement faire intervenir des motifs économiques et politiques à cette attitude des Gaulois, mais il n'est pas douteux qu'aient joué aussi des raisons psychologiques qui ont déjà été relevées. "Une fois révolus les lendemains de la défaite... devant les transformations irréversibles qui s'en suivent, la conscience de l'irrémédiable accompli inspire le parti héroïque et téméraire du soulèvement" (Harmand, p. 60).

 

Une révolte générale bien téméraire, certes. Elle avait en effet peu de chance d'aboutir. Plusieurs raisons s'y opposaient. Le quadrillage de surveillance que Rome avait établi, même lâche, avait joué. Les statuts différents accordés aux peuples les divisaient. La fabrication des armes; à laquelle les Celtes excellaient, était étroitement réglementée: sur les 40 000 hommes que réunit Sacrovir, un cinquième seulement est pourvu d'armes légionnaires.

 

Les Romains eurent beau jeu, par la plume de Tacite, de mépriser une telle armée parce qu'elle avait enrôlé de petites gens, des esclaves et des gladiateurs. Il ne faut pas oublier qu'elle était soutenue par l'élite urbaine, et les enfants de la noblesse réunis aux écoles d'Autun et pris en otages symbolisent l'appui que Sacrovir espérait de la classe supérieure, dont il faisait partie. Il y parvint assez bien puisqu'il y eut peu de cantons, comme le souligne Tacite, où ne fussent semés des germes d'insurrection. De nombreux Gaulois, d'origines très diverses, s'engagèrent dans l'armée de Sacrovir, et Rome craignit de se voir aux prises avec la totalité des 64 cités de la Gaule (Harmand, p. 61). Mais les insurgés ne surent pas se concerter (Hatt, 123). C'était, ainsi que l'écrivait C. Jullian, comme "le dernier soubresaut de la noblesse gauloise".

 

Ce qui mit un terme à cette révolte, ce fut le suicide collectif et mutuel des principaux conjurés (Tacite, Annales III, 4046). Ne serions-nous pas devant une attitude qui présente bien des analogies avec une crise désespérée de l'adolescence, un besoin de détruire des images parentales pour échapper au modèle qu'elles proposent, un besoin de retrouver la liberté ancienne ? Dans l'incapacité d'une action efficace, l'agressivité se retourne contre son auteur qui se détruit lui-même.

 

II - LES ARTISANS ET LES COMMERÇANTS

Nous considérerons seulement deux éléments de réflexion, parmi bien d'autres:

A - L'attitude des grands fabricants et des grands commerçants.

B - Le transfert de technologie céramique d'Italie en Gaule.

 

A - LES CADRES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX

 

Le souvenir de la défaite était vraisemblablement bien moins présent chez de nombreux dignitaires gaulois, dans une partie de la bourgeoisie, chez les grands fabricants et les grands commerçants qui bénéficiaient des honneurs et des avantages qu'apportaient l'urbanisation, le réseau routier, l'expansion "industrielle" et commerciale... (Clavel-Lévêque, 1984). Les Gaulois étaient passés, de plus en plus, d'une économie des subsistance à une économie d'échange (France rurale, p. 203-204), grâce à une évolution qui avait commencé avant la conquête et dont celle-ci allait accélérer le processus. César, puis Auguste, conférant aux riches et nobles gaulois la citoyenneté romaine, élevaient les vaincus au rang des vainqueurs et leur donnaient l'illusion de la participation au pouvoir. Ils refermaient ainsi des blessures psychologiques lourdes à vivre. Les avantages matériels et moraux reçus semblent bien avoir rétabli la partie dominante de la société gallo-romaine dans un équilibre qui lui faisait oublier assez bien les désastres et les humiliations de la conquête. Ceux-ci ne redevenaient brûlants que dans les périodes où sévissaient la restriction ou la perte des privilèges financiers, l'aggravation des charges, le poids accablant de l'usure...

 

B - LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE CERAMIQUE

 

La Gaule avait toujours été non seulement un pays d'habiles artisans, mais, comme le montre une inscription retrouvée il y a peu en Afrique du Nord, un pays fier de son habileté et de ses techniques. Nous ne prendrons en exemple qu'un des nombreux domaines où des transferts de technologie et d'organisation allaient changer la vie des artisans.

 

Peu après la conquête, des ateliers de potiers venus d'Italie s'installèrent dans la vallée du Rhône, à Lyon, à Vienne (Picon-Lasfargues)... Des ouvriers apportèrent des outils de travail et des manières de faire inconnues des artisans gaulois. Leurs produits envahirent les marchés. Il était difficile de lutter contre eux avec le savoir-faire traditionnel (5).

 

En effet, dans ce domaine les Romains possédaient une avance certaine qui provenait en grande partie de la Grèce et du Proche-Orient. Là-bas avaient été mises au point, au cours des siècles, les pratiques du tour rapide, du moulage, de l'engobage et du vernissage, des glaçures, de la cuisson des argiles calcaires que ne connaissaient pas tous les Gaulois... Tout se passe comme si les indigènes n'avaient point voulu laisser prendre leurs marchés par de nouveaux produits à la mode importés ou fabriqués par des entreprises romaines immigrées. Au contraire, ils s'ingénient à profiter de cette mode pour conquérir eux-mêmes un marché plus vaste que celui qu'ils avaient. Très rapidement, ils copient les céramiques italiques, et peut-être parce que les colporteurs connaissaient mieux les patois, les foires, la clientèle... ils mêlent leurs imitations aux vases des fabriques italiques et rhodaniennes et s'introduisent dans les circuits commerciaux avec facilité. Ainsi trouve-t-on, dans les couches archéologiques de Trèves par exemple, des calices arvernes mêlés aux calices arétins. Vraisemblablement, leurs copies trompèrent les acheteurs comme les anciens archéologues (Vertet, 1968).

 

Ce transfert de technologie eut des effets plus importants qu'on ne le suppose sur les Dotiers et sur leurs clients.

 

Sur le plan psychologique, on peut se demander pourquoi s'est développé à point pendant quatre siècles environ cette fabrication de bols, d'assiettes, de flacons, de copies de vases métalliques... Ce n'est pas une vaisselle de préparation d'aliments (cuisson, friture...) ni de conservation mais une vaisselle de présentation, une vaisselle "de luxe". Certes, les Gaulois avaient été séduits depuis longtemps par les objets provenant des pays méditerranéens. Mais un autre phénomène renforça cette séduction. Il est probable qu'après la conquête il y a eu, comme cela se produit en de telles occasions, un éblouissement devant des objets dont se servaient les vainqueurs. Ainsi a-t-on retrouvé des fragments de cette vaisselle dans quantité de sites gallo-romains. D'autre part émergea chez les producteurs de Gaule un vif désir d'apprendre des nouveautés techniques: les Gaulois ont toujours été réputés pour leur curiosité (César, IV, 5).

 

Il y eut aussi certainement, pour ces artisans potiers, une espèce de revanche: " nous sommes capables d'égaler les produits de ceux qui ont vaincu la Gaule " et pour les acheteurs: " nous avons le plaisir de nous servir de la même vaisselle que les Romains ! ". Constater ensuite que l'Italie, pour des raisons qui ne sont pas encore éclaircies (Goudineau), ne produisait plus de terre sigillée et qu'eux-mêmes étaient capables de fournir les marchés de leur pays et des régions voisines, y compris celui de la Péninsule, ne pouvait que renforcer les artisan gaulois dans le sentiment d'une revanche réussie et agréable.

 

Un autre phénomène que nous voudrions mentionner ici, c'est le rôle que joua, jusque dans le peuple, le fait que la langue latine remplaça les langues gauloises dans l'exercice du pouvoir. Savoir parler et écrire latin n'était pas indispensable, mais tout se passe comme si celui qui parlait et écrivait latin ne restait pas au rang des vaincus et participait d'une nouvelle dignité. Témoins en sont les efforts remarquables effectués par les potiers. Ils latinisent très vite leurs noms. Les Primus, Secundus, Tertius, Quartus... Africanus, Germanus,... Audax, Comicus, Iuvenis... se multiplient. Les potiers apprennent à écrire, gravent des alphabets latins sur des assiettes et sur des cruches, reportent leurs noms sur les vases avec des estampilles...; ici le terme latin " fecit " (a fabriqué) tend à remplacer le mot gaulois " avot ". Certes, l'écriture placée sur les céramiques semble surtout servir à la gestion du travail et nous renseigne mal sur le niveau culturel auquel accédaient peu à peu les potiers. La langue gauloise continue à être employée largement et coexiste avec le latin, comme nous le montrent estampilles et graffiti découverts dans les ateliers de la Graufesenque et de Lezoux, datables du Ier siècle.

 

Cet événement ne fut pas un simple progrès, et il vaudrait bien la peine d'en examiner le processus et les conséquences psychologiques. L'introduction de l'écriture au sein d'une société d'oralité comme l'était la société gauloise des artisans se fit en même temps que l'apprentissage de la langue du pouvoir. Ce fut un transfert concerté, non un développement spontané. Or "une véritable différence culturelle sépare les sociétés qui écrivent et celles qui n'écrivent pas", comme l'a encore souligné récemment Claude Hagège. "Les secondes ont depuis longtemps élaboré sur la pratique de l'oral leurs propres modèles d'expression, leurs systèmes d'échanges et d'équilibres ainsi que leur mémoire... Une langue écrite n'est pas une langue orale transcrite. C'est un nouveau phénomène linguistique, autant que culturel" (Hagège, p. 92). Il est vraisemblable aussi que l'écriture intervenant dans le monde des potiers ne fut pas plus qu'en Égypte et en Mésopotamie un phénomène littéraire. Elle était, en tant que phénomène lié à un certain type de structure sociale, un instrument de vie pratique, de vie économique, de pouvoir politique et religieux (Hagège, p. 84). Les rares documents qui nous soient parvenus en plus des comptes de potiers le sont sur des matériaux non périssables: tablettes d'incantation sur plomb et assiettes parfois difficiles à interpréter... Cela ne va guère plus loin. " Les dépositaires de l'histoire des sociétés orales sont leurs savants et leurs poètes " (Hagège, p. 923). Or n'était-ce pas précisément ce que l'on disait de la Gaule (Clavel-Lévêque, 1985) ?

 

Les potiers eurent à faire face à une troisième rencontre: celle d} langage des images. Celui-ci prit rapidement place dans leur quotidien et se développa rapidement. Au moment de la conquête, rares étaient les représentations figurées sur des vases peints. Dès Tibère, et peut-être dès Auguste, tout un peuple de personnages et d'animaux apparaît sur la terre sigillée, dans les figurines, sur les lampes... Il n'aboutit que très rarement à l'organisation de la scène à plusieurs personnages comme dans l'art gréco-romain. Nous ne savons pas encore quels blocages psychologiques intervinrent pour empêcher cette évolution. Tout se passe comme si les sujets étaient encore le plus souvent utilisés de la même façon que l'avaient été les motifs géométriques dans l'art celte, c'est-à-dire pour équilibrer les surfaces à décorer et non pour raconter une histoire, tout au moins à la façon mise au point par les Grecs et les Romains (Hatt).

 

Il n'y a plus renouvellement ni enrichissement du répertoire par surmoulage de reliefs extérieurs à l'atelier à partir de la deuxième moitié du IIe siècle environ. Il y avait eu appropriation du moulage, mais non de sa base artistique qui est le modelage, si ce n'est par quelques individus et à certaines périodes. Était-ce un refus conscient ou inconscient ? Suffisait-il aux artisans de reproduire les produits de l'étranger pour se sentir rétablis dans leur dignité et leur fierté ? Ne serait-il pas possible de considérer l'intégration de technique céramique, puis son abandon après les IIIe et IVe siècles, non comme un échec mais comme un processus réussi (Vertet, 1987 b) ? Si les Gaulois avaient senti le besoin de se mesurer aux techniques étrangères, leur réussite leur avait montré qu'ils étaient capables de les égaler, et même de les surpasser, en solidité si ce n'est en créativité narrative.

 

III - PLAN RELIGIEUX

Dans le domaine religieux, quelles réactions psychologiques suppose l'attitude gallo-romaine? Trois exemples dans l'apparence donnée aux divinités nous le laisse entrevoir:

 

A - La diffusion des représentations.

B - Le Cernunnos du pilier des Nautes.

C - "Vénus" et nourrices en terre cuite.

 

A - DIFFUSION DES REPRÉSENTATIONS DIVINES

 

Les Celtes avaient déjà accueilli des divinités à figure humaine dés avant la conquête romaine comme le montrent par exemple des petits bronzes représentant Hercule, Minerve. .. apportés d'Étrurie plusieurs siècles avant notre ère (Boucher). Par ce canal, puis avant par le commerce rhodanien, par des rapports suivis avec la Narbonnaise, enfin par la conquête, les Gaulois se familiarisèrent avec un vocabulaire figuré de plus en plus étendu. Si les premiers apports n'avaient vraisemblablement touché que l'aristocratie (France rurale, p. 189), ce sont toutes les classes sociales qui ont eu accès à cette incarnation des divinités, au Ier et IIe siècle de notre ère.

 

Quels furent les effets de cette évolution ? Un des premiers fut de donner aux divinités des Gaulois une existence solide, une présence réelle en face de celles des Romains. En effet, ceux-ci introduisaient, en même temps que leurs administrateurs civils et militaires, un peuple de statues représentant leurs dieux qui devaient aussi protéger et entretenir la vie de la province et de ses habitants. Témoins en sont, par exemple, les représentations de la Triade Capitoline apparues dans toutes ces petites Romes (Clavel Lévêque, 1984) que furent les cités de la Gaule romaine (6).

 

Pour les dieux indigènes et dans cette conjoncture, être représentés en quantité égale ou supérieure par des bas-reliefs et des statues attestait que les Gaulois n'avaient pas perdu leurs propres recours divins au cours de cette conquête.

 

Que se produit-il en effet lorsqu'un peuple est vaincu, lorsque ses dieux passent sous la domination des dieux étrangers, lorsque leurs noms eux-mêmes risquent d'être absorbés par ceux des vainqueurs ? Il naît vraisemblablement une résistance des dieux autant qu'une résistance des hommes. Le désir de ne pas laisser disparaître les cultes tels qu'ils ont été vécus et intégrés au cours de la construction lente et patiente de la mythologie, du langage sacré cherche à se donner des moyens de survivre en s'adaptant. Or la sculpture fut un de ces moyens. Faire venir des sculpteurs étrangers, apprendre à présenter en pierre, et de façon souvent aussi habile que le faisaient les Romains, un panthéon autonome, c'était, pour les Gaulois, récupérer leur intégrité culturelle (7).

 

B - LE CERNUNNOS DU PILIER DES NAUTES

 

Le dieu gallo-romain " Cernunnos ", sculpté sur un monument appelé le pilier des Nautes, vraisemblablement à l'époque de Tibère, c'est-à-dire 60 ans environ après la conquête, nous montre une des façons dont cette incarnation des divinités gauloises s'est produite. Il ne subsiste que la partie supérieure du dieu, mais d'autres représentations ainsi que la hauteur de la partie manquante montrent, selon toute vraisemblance, qu'il était en position assise, les jambes croisées. D'autre part, j'ai eu l'occasion de montrer que la tête du personnage est coiffée d'un casque de chef, formé et orné comme au temps de l'indépendance. Des cornes de taureau et de cerf sont fixées sur une calotte décorée d'une bande de carrés croisillonnés (fig. 1). Ainsi, un des grands dieux de la Gaule est représenté armé de la même façon que les chefs de guerre qui ont combattu les Romains (Vertet, 1987 a), assis en tailleur comme l'étaient les Gaulois habituellement (Athénée. IV (C 151-152) d'après Posidonios).

 

Fig. 1 : Tête du dieu " Cernunnos ", sculptée sur le pilier des Nautes (Paris); il est coiffé d'un casque, de tradition gauloise, décoré de carrés juxtaposés; sur ce casque sont placées des excroissances en forme de cornes de jeune taureau et de bois de jeune cerf. A ces dernières sont accrochées des récompenses militaires romaines en forme de collier (Croquis H. Vertet).

Autre fait notable: la forme des anneaux qui sont passés aux cornes qui ornent son casque. Ce ne sont point des torques gaulois. Ce sont des colliers qui comptaient au nombre des récompenses honorifiques, des " dona minora " en usage dans l'armée romaine au même titre que les " phalerae ", les " cornicula ", les "armillae"... Un collier identique a été retrouvé chez les Arvernes, dans une tombe de soldat romain, datée du règne de Caligula (Déchelette, 1903). Ainsi, plus d'un demi-siècle après la conquête, un des grands dieux gallo-romains de l'époque fut représenté non comme un Mars romain, mais volontairement comme un chef indigène. Si le pilier a été élevé après que les Nautes eurent joué un rôle appréciable dans les transports de troupes romaines au moment des campagnes de Germanicus (Hatt, 1984, p. 83), tout se passe comme si une récompense à double sens lui avait été décernée: d'une part l'une de celles dont étaient honorés par Rome ses valeureux guerriers, d'autre part celle qui par sa forme rappelait le plus le torque gaulois, devenu en Gaule, à cette époque, le signe qui distinguait les dieux des mortels (Reinach, p. 198). Cernunnos, par certains côtés, et aux yeux de certains, était-il devenu collaborateur des vainqueurs comme de nombreux nobles Gaulois ? C'est assez vraisemblablement un des aspects de sa riche personnalité.

 

On remarquera que beaucoup d'autres divinités gauloises furent représentées comme le fut ce même dieu Cernunnos sur l'autel de Reims, avec une bourse, une corne d'abondance sur le bras ou une patère à la main. Elles se montrent ainsi aux yeux des fidèles comme des intermédiaires agréés par le panthéon vainqueur, comme des dispensatrices de leurs bienfaits, des " figures monotones de donneuses de richesses " (Dumezil, 1944, P. 31).

 

On peut aussi se demander si, en Gaule, n'aurait pas existé de la même façon, un clergé druidique " concordataire ". Acceptant les limitations de pouvoir que lui imposait l'existence d'un nouvel ordre politique et social, il aurait trouvé d'autant plus facilement sa place que Rome avait pour principe de conserver les structures indigènes, en les accommodant à ses besoins, surtout lorsque s'élevaient comme en Gaule de fortes résistances à ses décrets, ou de les restaurer si, tombées en désuétude, elles pouvaient lui servir. Cette hypothèse expliquerait qu'il y eût des druides si tardivement en Gaule, malgré les interdictions officielles plusieurs fois notifiées. Une telle option politique n'est point opposée à une compétence notable (Clavel-Lévêque, 1985), mais son existence ne nous semble pas encore bien établie.

 

C - " VENUS " ET NOURRICES EN TERRE CUITE

 

Les ateliers de potiers du centre de la Gaule ont fabriqué, aux Ier et IIe siècles de notre ère, non seulement de la terre sigillée, mais aussi des figurines d'argile. Elles étaient reproduites en quantité avec des moules et vendues dans une grande partie de la Gaule, en Grande-Bretagne. . . Elles furent copiées et surmoulées dans d'autres fabriques et influencèrent une partie des types produits en Germanie (Schauerte, 1983). Comme elles représentent très souvent des divinités, on peut considérer que les potiers participèrent au même mouvement culturel que les bronziers et les sculpteurs dont nous avons parlé plus haut.

 

Ces artisans paraissent avoir été peu fortunés, si l'on en croit les installations de travail et d'habitat mis au jour dans les fabriques (Bet-Vertet) et le matériel retrouvé dans la nécropole de Lezoux par exemple. Le prix de revient et, vraisemblablement, le prix de vente de ces figurines étaient bien inférieurs à ceux d'une statuette de bronze ou d'une sculpture. Elles représentent donc un des rares moyens d'expression religieuse des pauvres qui nous soit parvenu (8)

 

Il est certes très difficile de comprendre, sans aucun texte ni aucune inscription, ce que représentaient ces figurines pour les contemporains. Une erreur serait, par exemple, de les regarder avec les mêmes lunettes que les statues de marbre ou de pierre comme on l'a fait trop souvent. Cela amène en effet à les considérer seulement, avec quelque mépris, comme " pacotille de marché " et " expression d'une mode " (Duval), ce qu'elles sont assurément. Une fabrication de masse a un sens particulier et peut devenir un des indicateurs sociaux et culturels essentiels.

 

L'un des moyens d'étudier cette production en grande série consiste à examiner, en nombre et en quantité, le rapport que présentent ces divinités entre elles, dans les lieux mêmes de production et d'utilisation. Un autre est de voir comment elles se sont transformées entre les mains des artisans. On peut constater déjà, par exemple, que " la Vénus anadyomène " (fig. 2) a toujours été produite et vendue en bien plus grande quantité que les autres figures (Vertet, 1984, tabl. p. 90). Ensuite vient " la nourrice " (fig. 3). Les autres sujets arrivent bien loin derrière ces deux-ci. Cependant, la fouille des ateliers nous a montré que les potiers avaient fabriqué des moules de beaucoup d'autres divinités. Vraisemblablement, la demande des clients se concentrait sur les deux figures que nous venons de citer. Si le fidèle sert la divinité, le potier sert le fidèle et lui apporte ce qu'il désire acheter

 

Quel sens donner à ces deux déesses ? Vénus était en relation avec l'eau, et surtout avec la source, les lacs, les étangs. C'est ce que nous montre une sculpture arverne et c'est ce qu'évoque spontanément cette jeune fille nue serrant une mèche de sa chevelure. Souvent sa draperie est devenue une source d'eaux vives (Vertet, 1987). La Nourrice, elle, allaite un ou deux bébés. Elle est assise dans un fauteuil d'osier tressé. Elle figure vraisemblablement la terre nourricière. Il est certain que l'eau, vitale pour apaiser la soif des hommes, des animaux et des plantes, et que la fécondité allaitante de la terre sont aussi indispensables l'une que l'autre (9).

 

Ce sont probablement des doublets de la richesse du sol, deux aspects différents de la troisième fonction de Dumézil, mais elles se différencient ici comme des divinités de survie. Cette question serait à étudier plus longuement dans ce bref exposé. On notera seulement que leur nombre s'oppose à la rareté des Mercures et des Abondances. Tout se passe comme si les pauvres exprimaient qu'ils n'avaient accès ni à la bourse - à la thésaurisation - ni à la cornucopia - à l'abondance - et désiraient surtout obtenir une espèce de minimum vital (Rabeisen-Vertet, Introduction). On sait que la prospérité due à la paix romaine n'atteignit que rarement le petit peuple. Les acheteurs exprimaient cela, plus ou moins consciemment, par le choix des divinités qu'ils honoraient.

 

Si le nombre des sujets vendus exprimait les dévotions des acheteurs, les modifications des sujets effectuées dans les ateliers traduisaient ce que ressentaient les potiers, plus ou moins consciemment, en face des puissances qui les gouvernaient. Or ces artisans n'avaient pas trouvé dans la tradition gauloise les figures de Vénus et de nourrice. Elles étaient venues de sujets popularisés par l'art hellénistico-romain ou créés par les artistes formés aux écoles de cet art (Vertet, 1984, p. 98). Mais au cours de leurs manipulations, de leurs surmoulages, de leurs retouches, de leurs copies... un artisan plus habile que les autres au modelage réinterprétait le modèle. Il exprimait ainsi dans l'argile comment les gens de sa région vivaient et imaginaient les divinités. L'exemple suivant permettra de mieux saisir notre hypothèse (10).

 

On sait maintenant que dans le milieu urbain d'Autun un potier de talent, Pistillus, avait créé, entre autres, des modèles de nourrices. Les bébés sont de taille presque normale. Son art influença les ateliers rustiques de la vallée de l'Allier (Vertet-Vuillemot, carte du transfert). Mais ici les nourrissons restent minuscules. Ce sont des miniatures que la déesse enserre vigoureusement. Seuls leur tête et leurs pieds dépassent de ses mains. En même temps, la tête de la nourrice acquiert des dimensions exceptionnelles. Pour obtenir ce changement, le potier transférait sur les épaules de certaines nourrices la tête d'un buste coiffé à la mode impériale (Vertet, 1980). Sur le modèle le plus populaire, d'une part, la coiffure stylisée est entourée d'un diadème d'esses, ce qui est traditionnellement un signe de puissance souveraine, d'autre part les plis de la robe tendent à se recouvrir du même tressage d'osier que le fauteuil (Vertet, 1980, p. 210). Tout ce travail souligne combien le modeleur sentait la relation entre la végétation, la nourriture et le pouvoir (11)

 

Comment pouvons-nous traduire ces transformations spontanées en terme d'évolution psychologique ? La terre divinisée, de qui dépendait toute richesse selon la tradition, était d'une part réorganisée différemment par la cadastration romaine et d'autre part supplantée dans la nouvelle échelle de valeur, par les cités installées comme lieux de pouvoir par les Romains, par l'Urbs, par Rome. Une telle situation crée, encore de nos jours, des traumatismes certains. Ainsi, en Bourbonnais on constate que la carte des ulcères d'estomacs ruraux coïncide avec celle du remembrement. Même si les échanges de champs sont rationnellement acceptés, la rupture avec les lieux travaillés depuis des générations atteint le corps à travers le traumatisme inconscient. Ainsi, en Tunisie, comme le soulignait le professeur Jeddi, au Congrès International d'Anthropologie de Montréal, la terre est à la fois valorisée et dévalorisée par l'application de nouveaux regroupements, par des plans d'urbanisme. Cela suscite de tels troubles chez les habitants des campagnes qu'ils les conduisent à l'hôpital psychiatrique (12).

 

Pour un cultivateur de l'Antiquité comme pour celui des temps modernes, il y a en effet une terre à laquelle il est lié par " le lien de lait " imagé par la nourrice. C'est elle qui le fait naître et surtout le fait survivre. Il est certain que le " lien de lait " a été bien plus manifestement vécu par ceux qui achetaient des figurines que par ceux qui faisaient sculpter des statues ou achetaient des bronzes. En effet, sur ces deux séries de représentations l'allaitement n'est pour ainsi dire jamais représenté.

 

L'absence de cet essentiel " lien de lait " sur les " matres " des sculptures rhénanes par exemple rend la confusion " nourrices-déesses-mères ", souvent répétée par plusieurs auteurs, bien plus incertaine qu'on ne le supposait. Il est certes possible que la nourrice soit la mère des bébés qu'elle allaite et qu'elle entre dans la catégorie des " mères " nommées par les inscriptions. Mais l'appeler " déesse-mère " sans précision gomme la différence du lien de lait qui sépare les sculptures des figurines et qui nous paraît fort important pour comprendre les différentes stratigraphies religieuses de la Gaule. Ajoutons que sur les sculptures apparaissent bien rarement les jumeaux si fréquents sur les figurines d'argile. Ici encore. c'est un fait à considérer avec attention.

 

En face de la terre nourricière traditionnelle se dresse - avec l'organisation romaine des cadastres qui ne se superposait pas toujours au cadastre celte, de l'espace urbain... une autre terre redécoupée, réorganisée, attribuée ou urbanisée, valorisée surtout par ses structures monumentales. C'est un phénomène qui s'est produit à plusieurs époques et qui se produit encore actuellement ici et là dans le monde. La coexistence des deux n'est jamais facile à intégrer et crée des troubles qui, en Gaule, sont visibles dans la façon de représenter la relation mère-enfants sur les figurines (13). Il n'est pas possible en effet à un être humain de modeler de l'argile pour représenter une nourrice sans qu'il introduise dans cette figurine quantité de messages, avec plusieurs niveaux de lecture. Nous en avons quelque peu parlé dans un article (Vertet, 1984) et il serait trop long de le redire ici. Pour Rome par exemple, qu'est ce " lien de lait A~ ? Un excellent moyen de propagande, avec la figure de Romulus et Rémus sous la louve. C'est en quelque sorte le message: " Rome est maîtresse de la terre et elle est devenue votre nourricière ".

 

Qui sont les bébés ? Aux yeux du lecteur d'images, ne seraient-ils point les Provinces défendues et nourries par la puissance impériale ? Mais comment le Gaulois ressent-il cette protection ? De façon certainement différente selon les régions et les époques et probablement à la fois bien et mal. Ainsi, de même que les bébés des figurines gauloises sucent des seins étiques et minuscules, les jumeaux divins sont trop petits pour accéder aux mamelles du fauve sur une mosaïque rustique de Grande-Bretagne.

 

Comment un potier gaulois exprime-t-il le rapport avec la terre-mère ? Les bébés s'enfoncent dans les niches ménagées dans les gros plis de la robe. Ils rentrent dans le corps de la mère. Ne serait-ce point l'image d'une régression vers le refuge dans la petite enfance ? L'individu se souvient de ses premiers recours quand il est démuni de tous moyens de défense. contre une conjoncture de pouvoir écrasant.

 

Ainsi apparaissent dans le domaine religieux des réactions psychologiques qui s'ajoutent aux diverses traditions indigènes, à l'interprétation gallica, à l'apport romain. Nous avons vu que le peuple des dieux de la Gaule avait trouvé dans des représentations analogues à celles dont usaient les conquérants un moyen d'exister et de s'affirmer. Nous avons vu aussi combien Cernunnos apparaissait comme un chef guerrier collaborant contre le danger qui menace la paix romaine et enfin combien les divinités les plus anciennes, celles des sources et de la terre féconde. exprimaient de troubles et d'espérance.

 

CONCLUSION

Nous avons rapidement et superficiellement esquissé quelques aspects de la rencontre de la Gaule et de Rome. Nous avons vu qu'elle fut très violente et très destructrice, puis enrichissante d'apports très divers. Mais nous avons vu aussi que ce traumatisme ne fut pas un fait indépendant du monde qui le recevait, et observable abstraitement, comme une entité séparée de la vie. Au cours de la vie d'un peuple comme d'un individu, il se produit sans cesse des événements traumatisants vécus bien différemment selon les personnes, les temps et les lieux. Ainsi, à l'intérieur de la bourgeoisie, de l'aristocratie, parmi les soldats, parmi les artisans, parmi les cultivateurs, émergèrent des réactions et des sentiments certainement bien différents les uns des autres. Ils ont varié selon ce que chaque groupe avait perdu dans cette aventure et selon le processus de deuil que chacun fut capable de mettre en action. Ainsi la perte de liberté ne pouvait-elle pas être ressentie de la même façon par un membre de l'aristocratie gauloise, un commerçant ou un cultivateur... L'apprentissage du latin ou du langage des images ne représenta pas le même acquis pour un homme politique, pour le propriétaire d'une villa, pour un sculpteur ou un potier.

 

L'historien se doit de chercher à peser ces différences. Si le traumatisme est essentiellement une perte ou une séparation, que ce soit des biens, des personnes, des techniques traditionnelles, d'une certaine conception de la liberté ou du rapport aux dieux, etc., chaque peuple et chaque groupe social de la Gaule seraient à étudier dans leur façon de réagir aux différents stades de leur évolution.

 

La vie et l'histoire sont constamment confrontées à des traumatismes qui ne sont pas mauvais eux-mêmes. Ils libèrent des énergies qui deviennent chaotiques et qui demandent une recréation d'équilibre. Il semble qu'un peuple avec les différentes individualités de ses nombres, de ses groupes sociaux et de sa culture se reconstruit après un traumatisme de la même façon qu'un individu, avec son enfance, son adolescence et l'équilibre de l'adulte. Abandonnant d'anciennes connaissances, il est confronté à la nécessité d'acquérir un nouveau savoir-vivre.

 

Ainsi voulions-nous soumettre à votre attention des hypothèses sur les traumatismes psychologiques auxquels ont été confrontés les Gaulois, et vous en proposer une lecture à travers des textes et surtout des objets. Ne serait-ce pas une approche complémentaire de l'histoire ? Si les Gallo-Romains ont pu construire leur civilisation réussie sur une double culture et dans un contexte de conquête et de colonisation, le phénomène mérite qu'on en examine tous les facteurs avec une extrême attention

 

BIBLIOGRAPHIE

 

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VERTET (H.), 1987 - La draperie des Vénus en terre blanche des ateliers arvernes au IIe siècle, Mélanges Pierre Lévêque.

NOTES

(1) Pour la structure de la mythologie gauloise voir les publications récentes et nombreuses de J J. HATT.

(2) Quand un système se trouve placé en perte d'équilibre - comme par exemple la Gaule conquise - il se comporte d'une façon irrationnelle qui contredit les différents systèmes déterministes. Il devient hypersensible à de petites entrées (inputs) qui peuvent déterminer de grands effets. Dans ce sens les facteurs psychologiques, s'ils ne peuvent nous livrer une science des bouleversements sociaux, peuvent apporter de nouvelles analogies ou métaphores, et probablement des éléments plus déterminants qu'on ne le supposait. Cf. par ex. I. PRIGOGINE La nouvelle alliance ou A. TOFFLER Le choc du futur et La troisième vague

(3) Cf. J.-M. DEMAROLLE, Céramique et religion en Gaule romaine, dans Aufstieg und Niedergang der romischen Welt, Berlin, 1986, p. 519-541.

(4) La Gaule, sous Auguste, a fréquemment menacé de se soulever et l'empereur n'a pas hésité à se déplacer pour intervenir personnellement, d'autres fois il envoya seulement ses lieutenants, cf. J.J. HATT. Histoire de la Gaule romaine. OD. cit.. D. 86.

(5) Cf. J. LASFARGUES et H. VERTET, Les ateliers augustéens de la Muette. Mélanges d'archéologie et d'épigraphie Lyonnaises, p. 61-80; M. PICON et J. LASFARGUES, Transferts de moules entre les ateliers d'Arezzo et ceux de Lyon, R.A.E., t. XXV, I, 1974, p. 61-70.

(6) Cf. aussi M. CLAVEL-LÉVEQUE, L'Empire en jeu, Paris, 1984, " la création de complexes ruraux, comportant au minimum temple et théâtre, témoigne de la volonté délibérée de cristalliser l'intégration autour de la religion... centres de propagande qui diffusaient les idées forces de la culture romaine ". Les bourgeoisies urbaine et rurale jouèrent un rôle important dans l'édification des temples et des statues, cf. par ex. G. PICARD, Évergétisme et romanisation des campagnes dans la Gaule chevelue aux IIe et IIIe siècles après J.-C. dans " La patrie gauloise d'Agrippa au VI e siècle "; Y. BURNAND, La documentation épigraphique sur la construction architecturale dans les " cités " gallo-romaines des Leuques et des Médiomatriques; etc. Les options de ces personnages appartenant " aux milieux économiquement et politiquement dominants " étaient-elles profondément les mêmes que celles de leurs serviteurs ?

(7) Cf. par ex. H. COX, La séduction de l'esprit: bon et mauvais usage de la religion populaire, Paris, 1973; C. GREETZ, La religion comme système culturel, et M.E. SPIRO, La religion: problèmes de définition et d'explication, ces deux articles dans Essais d'anthropologie religieuse. Paris. 1966.

(8) Plusieurs catalogues de musées, des fouilles d'ateliers, des analyses d'argile, des typologies et des études en France et à l'étranger ont, ces dernières décennies, apporté tout un renouveau aux études sur les figurines. H. VERTET, Recherches sur les potiers de la Gaule centrale, dans Mélanges offerts à P. FOURNIER, p. 15-37, Clermont-Ferrand, 1986. C. LAHANIER H. VERTET, Étude des figurines gallo-romaines en terre cuite blanche du centre de la Gaule Actes du Congrès de la S.F.E.C.A.G. de Toulouse, 1986, p. 133-138.

(9) Cf. H. VERTET, 1984.

(10) Cf. H. VERTET, 1984.

(11) Cf. H. VERTET, 1984.

(12) Cf. M. ÉLIADE, Structure et fonctions des mythes, dans Briser le toit de la maison, p. 90- 91: " La prise en possession d'un territoire inconnu ou étranger... représente autant de répétitions symboliques de la cosmogonie... l'installation dans un territoire (d'un peuple ou d'une civilisation) équivaut à la fondation d'un monde "... Le territoire qu'on venait d'occuper passait de l'état chaotique à l'état organisé ". De Chaos, il était transformé en Cosmos. Ces conceptions se retrouvent " dans l'Italie ancienne et chez les anciens Germains... Vivre dans un Cosmos c'est, avant tout, vivre dans un espace sanctifié, qui offre la possibilité de vivre avec les dieux ". Si pour les Romains la Gaule était un nouveau territoire, il est certain que pour les Gaulois, la réorganisation du territoire entreprise par les Romains comme dans toutes les provinces conquises apparaisse comme la négation de leur Cosmologie traditionnelle.

(13) Cf. note 12.

 

 

 

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